Jonas 1,1 – 2,1+11

Jonas se lève…

Carla A. Keller

  1. Jacob, C.A. Keller, S. Amsler, Osée, Joël, Amos, Abdias, Jonas, p. 270s

          La Parole ayant trouvé Jonas en l’envoyant ailleurs, Jonas ne saurait rester tranquille. Il doit partir, mais s’il part effectivement, ce n’est que pour s’enfuir. Il tente l’impossible : se débarrasser de la Parole, se débarrasser de Dieu lui-même. Les motifs de cette fuite, nous ne les apprendrons que beaucoup plus tard. Le narrateur nous présente un homme taciturne, un homme qui craint le dialogue. Jérémie, lui, avait protesté, Moïse, Gédéon, voire Elisée avaient discuté avec Dieu, avec l’ange qui les envoyait. Quant à Jonas, il ne dit rien, il s’en va en hâte sans ouvrir la bouche. Il a peur des aléas du ministère prophétique. Prophète, il sera obligé de parler, on lui posera des questions, il devra s’expliquer. Par-dessus tout, il sait qu’il risquera d’être désavoué par son Maître qui pourrait revenir sur sa décision de punir Ninive. Il ne veut pas être la risée des gens de Ninive comme Jérémie a été celle de ses contemporains. Jonas n’a pas le contact facile, et il déteste de s’exposer inutilement. Si sa fuite est un acte de bravoure, c’est surtout le geste d’un désespéré. Le ministère du prophète est toujours un calvaire, qu’on pense à Elie persécuté par Jézabel, à Michée incarcéré par Achab, à Amos chassé de Béthel, à Osée obligé d’épouser des femmes de mauvaise vie, à Jérémie maltraité pendant toute sa vie, à d’autres encore ; Jonas connaît leur histoire, et il ne se sent pas la force d’affronter des épreuves semblables.

            Il s’enfuit. S’il désire échapper à l’emprise de la Parole, il doit aller très loin, loin de la présence de Dieu, là où le Dieu des Juifs et sa Parole n’ont jamais encore manifesté leur pouvoir. Or, la Palestine est l’héritage de Dieu : Jonas quittera ce pays. L’Egypte, la Mésopotamie, Ninive n’entrent pas en ligne de compte : Dieu y a maintes fois démontré sa souveraineté. Il ne lui reste que Tarsis, localité mystérieuse et lointaine qu’il n’est plus possible d’identifier, où le bras de Dieu ne s’est jamais encore révélé. Jonas descend à Japho, le port le plus proche de Jérusalem. Le choix de cette voie de sortie semble indiquer que la vocation a eu lieu à Jérusalem. Au début, tout va bien. Jonas découvre un bateau prenant la haute mer, capable s’assurer la liaison entre le Syrie et Tarsis. Il l’affrète sans sourciller : cet homme dispose de ressources matérielles qui le rendent indépendant, indépendant même de la Parole de Dieu. Il s’embarque, non en réfugié ou en fugitif, mais en grand seigneur. Entouré de ses hommes et protégé par eux, il se met à traverser l’océan qui le sépare du pays de la liberté, loin de la présence de Dieu.