Matthieu 11, 25-30

« mon joug est doux, et mon fardeau léger »

Dietrich Bonhoeffer

Le prix de la grâce, Sermon sur la montagne, p. 13s

          La grâce qui coûte, c’est l’évangile qu’il faut toujours chercher à nouveau ; c’est le don pour lequel il faut prier, c’est la porte à laquelle il faut frapper.

          Elle coûte, cette grâce, parce qu’elle appelle à l’obéissance ; elle est grâce parce qu’elle appelle à l’obéissance à Jésus-Christ ; elle coûte parce qu’elle est, pour l’homme, au prix de sa vie ; elle est grâce, parce que, alors seulement, elle fait à l’homme cadeau de la vie ; elle coûte parce qu’elle condamne les péchés, elle est grâce parce qu’elle justifie le pécheur. La grâce coûte cher d’abord parce qu’elle a coûté à Dieu la vie de son Fils : Vous avez été acquis à un prix élevé ; elle coûte cher, parce que ce qui coûte cher à Dieu ne peut être bon marché pour nous. Elle est grâce d’abord parce que Dieu n’a pas trouvé que son Fils fût trop cher pour notre vie, mais il l’a donné pour nous. La grâce qui coûte cher, c’est l’incarnation de Dieu.

          La grâce qui coûte cher, c’est la grâce en tant qu’elle est le sanctuaire de Dieu qu’il faut protéger du monde, qu’on n’a pas le droit de livrer aux chiens ; aussi est-elle grâce en tant que Parole vivante, Parole de Dieu qu’il prononce lui-même comme il lui plaît. Cette Parole nous atteint sous la forme d’un appel miséricordieux à suivre Jésus sur la voie de l’obéissance, elle se présente à l’esprit angoissé et au cœur abattu sous la forme d’une parole de pardon. La grâce coûte cher parce qu’elle contraint l’homme à se soumettre au joug de l’obéissance à Jésus-Christ, mais c’est une grâce que Jésus dise : Mon joug est doux et mon fardeau léger.

          Bienheureux ceux qui, ayant reconnu cette grâce-là, peuvent vivre dans le monde sans s’égarer à son contact, ceux pour qui, dans l’obéissance à Jésus-Christ, la patrie céleste est devenue tellement certaine qu’ils sont réellement libérés pour la vie de ce monde. Bienheureux ceux pour qui obéir à Jésus-Christ n’est rien d‘autre que de vivre de la grâce, et pour qui la grâce n’est rien d’autre que l’obéissance. Bienheureux ceux qui, dans ce sens, sont devenus chrétiens, ceux pour qui la parole de la grâce a été miséricordieuse.