Jérémie 15, 10-21

L’Institution de l’Eucharistie

Père Jacques Guillet

Jésus-Christ, hier et aujourd’hui, p. 190s

        Tout l’Evangile est dans l’Eucharistie. Ce repas eucharistique est un accomplissement et un engagement : longtemps à l’avance, le cœur du Seigneur était enlevé par ce désir, comme il était tendu par l’angoisse du baptême qu’Il devait recevoir et dont la pensée ne le quittait pas.

        Voici arrivée l’Heure pour laquelle Il est né, l’heure où Il n’est plus le thaumaturge qu’on suit pour avoir du pain, le prophète dont la lucidité rassure, le Messie qu’on pousse au pouvoir, mais uniquement le Fils, Celui dont toute la vie est de rendre gloire au Père, d’accompagner sa volonté, de manifester son amour. Et Il donne sa vie ; Il consacre le pain et le vin, Il livre son corps et son sang. D’un seul geste et d’un même mouvement, par le don total de sa vie, Il répond à l’amour de son Père et Il nous fait le don définitif de son amour.

        La Passion est engagée, elle est née de l’action de grâces du Seigneur, elle est l’émotion de gratitude, d’admiration et de générosité débordant du cœur et devenue geste extérieur et définitif, action de grâces portée jusqu’au bout, jusqu’à ce que tout soit accompli.

        Si le pain devient son corps, c’est que son corps est déjà un aliment : Jésus est en effet si totalement donné aux hommes qu’ils peuvent Le dévorer tout entier. Son temps, ses forces, son honneur, sa vie, Il ne s’est rien réservé, et l’heure où Il consacre ce pain est également celle où Il va publiquement montrer qu’il ne s’est pas donné pour rire, et que, comme le pain, Il appartient aux hommes qui pourront en faire ce qu’ils voudront. Mais quand ils croiront L’anéantir, ils libéreront au contraire toutes les énergies accumulées en Lui depuis l’Incarnation. Il faut maintenant pour qu’elle atteigne et nourrisse tous les hommes, que la mort vienne rompre les barrières, que le grain enfoui en terre se voie arracher les enveloppes qui le protégeaient et l’isolaient. Alors, ayant épuisé sa substance, ayant donné tout ce qu’Il est, Jésus devient réellement le pain de ceux qui croient en Lui, l’aliment toujours accessible, la vie de son Eglise.

        Quotidiennement, c’est le pain qui devient chair par assimilation naturelle. A l’heure où Il donne son corps, Jésus rend aussi le pain dont Il s’est nourri depuis trente ans. Et parce que le Christ, du pain et du vin qu’Il a absorbés et dont Il a fait son être, a toujours fait du même coup un être à notre service, une existence vécue pour nous, le corps qu’Il nous livre à la Cène est réellement notre pain vivant, le corps de qui s’est tellement dépouillé de lui-même, identifié à chaque homme, qu’Il est devenu sa nourriture et sa vie.