Isaïe 16,1-5 + 17, 4-8

Envoie l’Agneau, Seigneur, de la pierre du désert !

Bienheureux Guerric d’Igny

Sermon 2 pour l’Annonciation, n° 1-2

 

Maudite par l’œuvre d’Adam le transgresseur, la terre, même quand elle est travaillée, fait germer épines et ronces pour les héritiers de la malédiction. Maintenant, au contraire, bénie par l’œuvre du Rédempteur, elle produit pour tous la rémission des péchés et le fruit de la vie ; elle efface pour les fils d’Adam la condamnation de la malédiction originelle. Oui, elle est vraiment bénie cette terre absolument vierge qui, sans avoir été bêchée ni ensemencée, fait germer le Sauveur de la seul rosée du ciel et donne aux mortels le pain des anges qui nourrit en eux la vie éternelle.

Ainsi cette terre qui, demeurée inculte, semblait une friche abandonnée, était en réalité porteuse d’un fruit excellent ; elle paraissait un désert de solitude, mais c’était un paradis de délices, le paradis des délices de Dieu, dont les plaines ont produit un germe odoriférant ; c’était réellement une solitude comblée, puisque c’est d’elle que le Père envoya l’Agneau qui dominerait la terre.

Envoie l’Agneau, Seigneur, de la pierre du désert !, demande Isaïe. Autrement dit : Détache la pierre de la pierre ! Que la virginité sainte et inviolée produise le Saint et l’Inviolable. On trouve ici une harmonie très heureuse entre le lever du Christ et son coucher, entre sa conception et sa sépulture. C’est de la pierre du désert qu’est envoyé l’Agneau qui doit être déposé dans la pierre du tombeau. C’est dans la pierre qu’un tombeau devait être taillé pour son corps, c’est de la pierre aussi que, dès de sa conception, il se taille un corps, et dans la pierre qu’il se prépare une place pour son corps. Ce faisant, il n’a pas amoindri l’intégrité de la pierre dont il se détacha pour être envoyé, tout comme il n’ouvrit pas le sceau de la pierre lorsqu’il en sortit.

C’est donc bien la mère du Christ qui est désignée ici sous le nom de pierre. N’est-il pas juste qu’elle soit appelée pierre, celle qui, par amour, demeurait ferme dans son propos de virginité et immuable dans ses sentiments, et qui même, face à l’attrait du péché, demeurait au fond de son être totalement insensible et comme de la pierre ?