Ephésiens 2, 1-10

« J’aime parce que j’aime, j’aime pour aimer »Paul VI

Saint Bernard

Sermon 83 sur le Cantique des cantiques, SC 511, p. 347s

 

        L’Epoux divin n’est pas seulement aimant : il est l’Amour. J’ai lu dans une lettre de saint Jean que Dieu est Amour. S’il est aussi l’Epoux, où est l’amour qui lui est dû ? Dieu exige donc d’être aimé. Qu’est-ce qui a le plus de prix sur tout aux yeux de Dieu, l’Amour bien sûr. L’amour se suffit à lui-même, il plaît par lui-même et pour lui-même. Il est à lui-même son mérite, à lui-même sa récompense. L’amour ne cherche hors de lui-même ni sa cause, ni son fruit ; en jouir, voilà son fruit. J’aime parce que j’aime ; j’aime pour aimer. Voilà bien une grande chose que l’amour, si du moins il remonte à son principe, s’il retourne à son origine, s’il reflue vers sa source pour y puiser sans cesse son jaillissement éternel. De tous les mouvements de l’âme, de ses sentiments et de ses affections, l’amour est le seul qui permette à la créature de répondre au Créateur, sinon d’égal à égal, du moins dans une réciprocité de ressemblance. Par exemple, si Dieu se met en colère contre moi, riposterai-je par une colère semblable ? Non, certes, mais je craindrai, je tremblerai, j’implorerai le pardon. De même, s’il m’accuse, il ne sera pas réfuté par moi, mais plutôt justifié. Et s’il me juge, je ne vais pas le juger, mais l’adorer. En me sauvant, il ne me demande pas de le sauver à mon tour ; et il n’a besoin d’être en retour libéré par personne, lui qui libère tout le monde. S’il règne, il me faut le servir ; s’il commande, il me faut lui obéir, et non exiger à mon tour du Seigneur service et obéissance. Maintenant, vois comme il en va autrement de l’amour. Quand Dieu aime, il ne veut rien d’autre que d’être aimé. Car il n’aime que pour être aimé, sachant que ceux qui l’aimeront seront bienheureux par cet amour même.

        Quelqu’un peut objecter que Dieu aime le premier et qu’il aime davantage. Bien sûr, en amour nous sommes devancés et même dépassés par Dieu ! Heureux celui qui a mérité d’être devancé dans la bénédiction d’une si grande douceur. Heureux celui à qui il a été donné d’expérimenter cette étreinte d’une telle suavité ! Ce n’est là rien d’autre que l’amour saint et chaste, l’amour suave et doux, l’amour aussi serein que sincère, l’amour mutuel, intime et fort qui unit en un seul esprit selon la parole de Paul : Celui qui s’attache à Dieu est avec lui un seul esprit.