Luc 12, 49-53

« Je suis venu apporter Paul VIun feu sur la terre »

Saint Bernard

Sermon 57 sur le Cantique des cantiques, SC 472, p. 165s

 

        Ce n’est pas nous qui l’avons aimé, c’est Lui qui nous a aimé le premier. Même si tu sens sa parole comme un feu qui brûle ta conscience au souvenir de ton péché, souviens-toi alors de celui dont l’Ecriture dit : Le feu s’avancera devant lui ; et ne doute pas qu’il soit tout proche. Car le Seigneur est tout près de ceux qui ont le cœur affligé.

        Si, à l’écoute de cette parole, non seulement tu regrettes ton péché, mais encore tu te convertis tout entier au Seigneur, jurant, et décidant de garder les décrets de sa justice, sache que déjà il est présent, surtout si tu te sens brûler d’amour pour lui. Tu lis à son sujet que le feu s’avance devant lui, et que pourtant lui-même est le feu. Moïse, en effet, dit de lui qu’il est un feu consumant. Il y a néanmoins cette différence : le feu qui est envoyé à l’avance est ardent, mais sans amour ; il chauffe, mais ne dévore pas ; il met en mouvement, mais ne fait pas progresser : il est envoyé à l’avance seulement pour réveiller et préparer, comme aussi pour t’avertir de ce que tu es par toi-même, afin qu’ensuite tu savoures avec plus de plaisir ce que tu seras de par Dieu. En revanche, le feu qui est Dieu même consume, certes, mais ne fait pas souffrir ; il brûle avec suavité, il ravage avec délice. C’est vraiment une braise qui ravage, mais qui exerce la violence du feu sur les vices de telle sorte qu’elle se répand dans l’âme comme une onction. Ainsi dans la force qui te transforme et dans l’amour qui t’enflamme, reconnais la présence du Seigneur. Car c’est la droite du Seigneur qui a agi avec force. Et cette transformation, œuvre de la droite de Dieu, ne se produira que dans la ferveur de l’esprit, et dans une charité sans feinte. Ainsi celui qui est en cet état peut dire : Mon cœur s’est échauffé en moi-même, et dans ma méditation le feu va s’allumer.

Toute tache du péché, toute rouille des vices étant consumées par ce feu, la conscience désormais purifiée et rassérénée, il s’ensuit une soudaine et inhabituelle dilatation de l’esprit et le don d’une lumière qui illumine l’intelligence soit pour la science des Ecritures, soit pour la connaissance des mystères.