Jean 14, 15…26

L’Esprit et Jésus ressuscité

Père Jacques Guillet

Jésus Christ dans notre monde, p. 210s

        Il n’y avait pas encore d’Esprit, parce que Jésus n’avait pas encore été glorifié. Ce mot de Jean, dans sa naïveté apparente, traduit exactement la réalité que veut définir l’évangéliste : il n’y a pas d’Esprit, parce que l’Esprit, insaisissable et impalpable comme le vent, ne se laisse percevoir que dans ses effets. Ces effets sont intérieurs : l’Esprit de Dieu agit sur l’esprit de l’homme. Pourtant, à travers l’esprit, il transforme l’homme jusqu’en son corps et atteint la création tout entière. Alors qu’il était encore mortel et soumis à la souffrance, Jésus déjà, dans la puissance de l’Esprit, et par l’intermédiaire de son corps, de ses gestes, de sa voix, de sa présence vivante, était capable de guérir les malades et de délivrer les victimes du diable, il était avec la nature dans un contact immédiat et apaisé. La résurrection est l’épanouissement de ce germe. Elle est à la fois transfiguration de la nature et révélation de l’Esprit. Le Christ qui ressuscite est bien le Jésus d’autrefois, avec son style, ses gestes, sa façon d’exister et d’aborder les choses et les hommes : on le retrouve tel qu’il était, marchant sur les routes, mangeant à table, attentif à la manœuvre des filets. Mais les gestes les plus matériels ne sont plus que des signes transparents d’une autre présence, d’une puissance qui a l’immensité du monde : le chemin d’Emmaüs couvre la terre entière, la table du Seigneur est ouverte à tous les peuples, et il peut dialoguer avec tout homme dans sa propre langue. Tel est le corps ressuscité, transfiguré par l’Esprit. Tel est le Christ établi Fils de Dieu avec puissance de l’Esprit de sainteté, par sa résurrection d’entre les morts.

        Les gestes visibles ne sont eux-mêmes que des signes. Ils attestent qu’il s’agit bien de Jésus, de son corps, de son humanité. Et c’est bien l’Esprit lui-même qui est communiqué et qui fait du second Adam un esprit qui donne la vie. La preuve que le Christ ressuscité est en pleine possession de l’Esprit, c’est qu’il le répand sur ceux même qui ne l’avaient jamais rencontré, pourvu seulement qu’ils croient en lui.

        Les premiers gestes de l’Eglise, selon les Actes des Apôtres, attestent à la fois la puissance de l’Esprit dans les disciples et le principe dont il vient, la personne de Jésus. Les gestes posés par les apôtres et les premiers croyants sont ceux dont ils étaient radicalement incapables : croire assez pour ordonner à un paralytique de se lever, pour affronter la foule rassemblée dans le temple et les menaces du sanhédrin, s’aimer assez pour être capables de tout mettre en commun et de n’avoir qu’un seul cœur. Tout son Evangile, qui était un appel, un enseignement, un chemin suivi derrière lui, devient maintenant, par la force de l’Esprit, réalité vécue spontanément, rayonnante et conquérante.