Apocalypse 17, 1-18

La grande prostituée et la bête

Pierre Prigent

L’Apocalypse, p. 167s

        Cette vision est d’une complexité singulière ; il faut en prendre une exacte mesure pour tenter d’y voir plus clair.

        Il y a d’abord la grande prostituée, Babylone, la capitale des royaumes de la terre. Le symbolisme n’est pas nouveau, il désigne régulièrement Rome, dont le pouvoir idolâtre domine le monde entier. Repaire terrestre des puissances diaboliques, l’heure de son jugement est arrivée.

        Depuis Pâques, nous l’avons vu au chapitre 12, Satan n’a plus de place dans le ciel où Dieu règne. Il ne peut plus sévir que sur la terre. Et là même son œuvre de mort est mise en échec par la vie que Dieu donne et qui est éternelle. Rome ne règne plus qu’en apparence. A celui dont la foi ouvre les yeux, la vision révèle le jugement déjà prononcé sur le puissant Empire.

        Une deuxième image se conjugue avec celle de la prostituée : la bête qui la porte et qui a même apparence que celle qui est décrite au chapitre 13. On peut sans grand risque, affirmer qu’elle désigne dans les deux cas la même réalité, à savoir l’empire sur lequel Rome est assise.

        Et lorsque la vision propose une exploitation symbolique des sept têtes de la bête en les assimilant aux sept montagnes où réside la femme, elle tient un langage parfaitement clair : n’appelle-t-on pas Rome la ville aux sept collines ?

        Mais voici qu’avec les derniers mots du verset 9 commence une deuxième interprétation des sept têtes. Et cette explication ne s’harmonise que fort mal avec l’ensemble symbolique précédemment évoqué. Qu’on en juge : maintenant les sept têtes sont des rois que l’on désigne à mots couverts. Cinq ont déjà régné ; le sixième est présentement sur le trône ; le septième, qui est attendu, n’aura qu’un règne bref, après quoi viendra, comme huitième… la bête elle-même qui est à la fois le corps du monstre et une nouvelle tête !

        De toute évidence, cette incohérence résulte d’une tentative, plutôt malheureuse, de combiner deux systèmes symboliques : celui de l’empire et de sa capitale, et celui des empereurs de Rome. On conviendra que la thématique de ces deux ensembles est de proche parenté. C’est bien pourquoi notre auteur tente de les combiner. Mais à y regarder de près, ce sont deux systèmes différents et ils doivent être envisagés comme tels.