Apocalypse 18,21 – 19,10

La fin du culte juif et de la révélation ancienne

Père Eugenio Corsini

L’Apocalypse maintenant, p. 256s

        La destruction de Babylone implique deux conséquences de grande portée : la fin du culte juif et la fin de la révélation vétérotestamentaire. La mort de Jésus, qui pour Jean est jugement de Dieu sur le monde, a instauré un ordre nouveau.

        La fin du culte juif est indirectement évoquée par la prosternation de la cour angélique, insérée entre les deux parties de l’hymne qui célèbre la chute de Babylone. Cette prosternation a un lien évident avec la ruine de la grande cité, et aussi avec les autres passages de l’Apocalypse où Jean mentionne le même geste. La prosternation décrite ici est la dernière d’une série qui ponctue le développement du livre en des endroits significatifs : lors de la vision du trône, quand l’Agneau reçoit le livre, après qu’est apparue la foule immense du sixième sceau, enfin après le son de la septième trompette. Puisque cet acte de prosternation a la valeur d’une soumission définitive, il est clair que ces multiples scènes ne décrivent pas des gestes successifs, posés en des circonstances distinctes, mais se réfèrent à un seul et même fait : l’arrêt de la fonction médiatique qui revenait aux anges dans le domaine du culte au cours de l’économie ancienne.

        Une pensée analogue apparaît dans la scène où Jean tente d’adorer l’ange. Diverses explications ont été données de cette scène et de sa réitération. Ces deux épisodes parallèles s’éclairent si on les situe dans le contexte de la fonction médiatrice attribuée aux anges. La tentative de Jean a lieu, l’une et l’autre fois, après la révélation d’un grand mystère, celui de Babylone d’abord, celui de la nouvelle Jérusalem ensuite. La nature et le sort de ces deux réalités opposées sont certes rendus manifestes par la mort du Christ, mais Jean pouvait déjà les connaître à travers les paroles inspirées de l’Ancien Testament. Il était facile de confondre les messagers, les anges, qui avaient fait connaître le grand mystère de salut et de perdition avec son véritable auteur, la divinité. Cette méprise devait être courante dans le milieu où l’Apocalypse est née.

        Les deux fois, Jean est sévèrement dissuadé de poser un acte d’adoration et à le réserver à Dieu seul. Les mots par lesquels les deux anges refusent l’hommage du voyant renvoient à leur fonction d’instruments de la révélation : ils proclament leur égalité absolue avec les prophètes ; dans le second épisode, cette égalité est étendue à tous les membres de la communauté chrétienne. Cela signifie, qu’avant la venue du Christ, les anges n’étaient pas les auteurs, mais seulement les intermédiaires de la révélation, le vrai auteur étant déjà le Christ ; après sa venue, l’Esprit de prophétie, qui est le témoignage de Jésus, ne passe plus exclusivement à travers des intermédiaires privilégiés, mais est communiqué à tous les croyants.