Luc 22,14 – 23,556

L’arrestation de Jésus

Saint Léon le Grand

Premier sermon sur la Passion, SC 74bis, p. 43s

        Le Seigneur, sachant ce qui convenait mieux au mystère qu’il avait embrassé, ne persista pas dans des manifestations de puissance, mais laissa ses persécuteurs retrouver le pouvoir de commettre le crime qu’ils avaient décidé. Car s’il n‘avait pas voulu se laisser prendre, Jésus n’aurait certainement pas été pris. Mais qui d’entre les hommes aurait pu être sauvé, si lui n’avait pas permis qu’on le saisit ? L’un d’eux, nous savons, par les autres évangélistes, qu’il s’agit de Pierre lui-même, attaché qu’il était au Seigneur par une fidélité plus intrépide et brûlant de l’ardeur d’un saint amour pour repousser l’assaut de ceux qui usaient violence, Pierre donc prit le glaive pour frapper un serviteur du prince des prêtres, et coupa l’oreille de cet homme qui attaquait plus farouchement. Mais le Seigneur ne souffre pas que le bouillant apôtre poursuive son généreux mouvement : il lui ordonne de rentrer l’épée, et n’accepte pas d’être défendu contre les impies par la main et par le fer. Il eut été contraire au mystère de notre rédemption que celui qui était venu mourir pour tous refusât de se laisser prendre ; en différant le triomphe de sa glorieuse croix, il eût prolongé la tyrannie du diable et fait durer l’esclavage des hommes. Il donne donc à ceux qui s’acharnent sur lui licence d’exercer leur fureur, sans que pourtant sa divinité dédaigne de se révéler à eux. L’oreille du serviteur, déjà morte puisque coupée et séparée du corps vivant, la main du Christ la remet en place sur la tête défigurée : elle refait ce qu’elle-même avait fait ; et la chair ne tarde pas à suivre le commandement de celui dont elle était l’œuvre.

        Ces actions ont donc une vertu divine. Mais si le Seigneur a contenu le pouvoir de sa majesté et souffert sur lui la violence du persécuteur, c’est par un effet de cette volonté selon laquelle Il nous a aimés et s’est livré pour nous, et avec la coopération à cela même du Père, qui n’a pas épargné son propre Fils, mais l’a livré pour nous tous. Il n’y a, en effet, qu’une volonté du Père et du Fils, comme il n’y a qu’une divinité. L’impiété des Juifs a, en vérité, servi à notre salut, et par eux s’est réalisé tout ce que la main de Dieu et son conseil avaient déterminé d’avance. La mort du Christ nous libère.