Deutéronome 31, 1-15+23

Moïse et Josué

Adin Steinsaltz

Hommes et femmes de la Bible, p. 101s

        Une prophétie de Moïse ne s’est pas réalisée à proprement parler, quand il s’écrie dans le Deutéronome : Je sais, qu’après ma mort, vous irez dégénérant et vous dévierez du chemin que je vous ai tracé. Sous Josué, en effet, le peuple d’Israël continua d’observer la Loi et ses commandements. Les Sages expliquent à ce sujet qu’un disciple est assimilé à son maître, qu’il est en fait un prolongement de sa quintessence. En vérité, Moïse savait qu’aussi longtemps que vivrait son élève, il continuerait en quelque sorte à vivre en lui. Par conséquent, l’ère de Moïse prit plutôt fin à la mort de Josué, et non à celle de Moïse. Avec la disparition de Josué, s’achèvera l’époque de la sortie d’Egypte, et une nouvelle époque historique, celle de la véritable histoire d’Israël, commencera pour le peuple juif, qui devrait désormais affronter seul les conflits inhérents à une nation.

        A maints égards, Moïse et Josué partagent donc un seul et même élan, bien que leurs différences soient d’une portée considérable. La différence de fond, c’est que Josué n’était pas à l’origine d’une politique ou d’évènements : il se contenta de mener à bien la tâche qui lui avait été assignée. Le Talmud a dépeint cette situation sous une forme quelque peu désobligeante à l’égard de Josué : « La face de Moïse était comme le soleil, celle de Josué comme la lune. » Cette image les présente comme les deux grands luminaires de la Genèse, devant lesquels s’effacent toutes les lumières des générations suivantes. Même s’ils répandent tous deux la parole divine dans le monde, la nature de ces deux grands luminaires est néanmoins différente : l’un est la source de la lumière, alors que l’autre n’en est qu’un reflet. Moïse parlait à Dieu directement, « face à face » ; Josué, lui, s’adressait à Dieu comme un homme, ou, au mieux, comme un prophète.