Hébreux 11, 1-16

Devant le mystère

Adrienne von Speyr

La servante du Seigneur, p. 65s

         Sans s’être jusque-là douté de rien, Joseph aperçoit la grossesse de Marie. Et il ne peut faire autrement que de douter. Ses doutes sont de nature purement objective. Il ne soupçonne pas Marie, il a simplement découvert que sa fiancée attend un enfant. Il le sait de façon supra-personnelle. C’est comme si tout d’abord la connaissance de ce fait ne coïncidait absolument pas avec ce qu’il sait de la personne de Marie. Aussi a-t-il une pure connaissance objective des choses : il y a là une fiancée qui attend un enfant. Même la résolution de renvoyer secrètement Marie est prise au début de façon supra-personnelle ; sûrement d’un cœur lourd, sûrement pour demeurer dans l’obéissance à la Loi qui lui paraît juste, mais comme sans se rendre compte que c’est justement sa fiancée qui le met devant une pareille énigme. Il ne songe pas à se fâcher contre elle. Même dans le doute, il garde à son égard une distance, la distance du profond respect qu’il a toujours eu et qu’il n’abandonnera jamais. Il ne permet pas à ses propres pensées d’aller jusqu’au bout, jusqu’à la conclusion apparemment inévitable.

        Ainsi il réfléchit dans son cœur. La Mère, elle, se tait, car elle vit immédiatement avec Dieu le mystère. Elle comprend que ce mystère est celui de toute l’Eglise à venir, qu’elle ne peut donc en disposer. Il n’y a dans ce mystère, en ce moment, rien qui soit propre à être communiqué à Joseph. Et son mystère la met à ce point entre l’Ancienne et la Nouvelle Alliance qu’elle ne peut aller vers aucune pour s’ouvrir. A la synagogue, on ne l’aurait pas cru si elle s’était donnée pour le Mère du Messie. Et les prêtres de la Nouvelle Alliance ne sont pas encore là. Donc elle ne peut que se taire. Son oui se fortifie dans le silence.

        Bien que ses relations avec Joseph soient celles d’une fiancée avec son fiancé, son attente est pourtant la dernière chose qu’elle puisse lui raconter. La véritable confession, celle qui s’entend comme explication devant Dieu, suppose la discrétion que Marie a conçue de son dialogue avec l’ange et qu’elle a conservée. A son silence, correspond celui de Joseph qui ne pose pas non plus de question : il est rempli du même respect devant  le mystère.