Romains 2, 17-29

Antoine le Grand, Théodidacte

Ysabel de Andia

Mystiques d’Orient et d’Occident, p. 41s

        Il y a une scène centrale dans la Vie d’Antoine où le destin d’Antoine se noue : c’est le moment de sa décision de partir au désert. Le texte se présente comme un récit de vocation.

       Délibération : Se voyant dérangé par la foule, empêché de vivre dans la retraite à son idée et à son gré, redoutant de s’enorgueillir des œuvres que le Seigneur faisait par lui ou de devenir l’objet de commentaires, Antoine délibéra et décida de partir pour la Haute Thébaïde où nul ne le connaissait. Muni de pains apportés par des frères, il s’assit au bord du fleuve, surveillant les bateaux qui passaient pour s’embarquer sur l’un d’eux.

       Dialogue : Alors il entendit une voix d’en-haut : « Où vas-tu, Antoine et pourquoi ? » Il écouta sans se troubler, habitué à être ainsi souvent interpellé, et répondit : « On ne me laisse pas vivre en ermite : je veux aller en Haute Thébaïde pour éviter les fréquents dérangements, d’autant plus qu’on me demande des choses qui dépassent mes pouvoirs ».

       La voix lui dit : « Irais-tu en Thébaïde, comme tu y penses ? Même parmi les bœufs, tu auras à subir plus grand et même double labeur. Si tu veux vraiment être ermite, va dans le désert intérieur ».      Antoine reprit : « Qui me montrera la route ? Je ne la connais pas ». Aussitôt la voix lui indiqua des Sarrasins prêts à ce voyage.

       Intermède : récit du voyage : Par une disposition de la Providence, ils l’acceptèrent de bon cœur. Trois jours et trois nuits, il fit route avec eux et parvint à une très haute montagne. Au pied, coulait une eau limpide, douce et fraîche. Plus loin, s’étendait un plateau où poussaient quelques palmiers sauvages.

       Reconnaissance de la vocation : comme par motion divine, Antoine aima cet endroit : il reconnaissait celui qu’au bord du fleuve la voix lui avait indiqué. D’abord fourni de pains par ses compagnons, il resta seul, absolument seul sur la montagne.

       Ce récit est pris dans une inclusion : « Dérangé par la foule,…il demeura seul », ce qui indique le sens du texte : le passage de la multitude à la solitude, rendu possible par l’intervention de la voix d’en-haut.

       Or il est dit qu’Antoine écouta sans se troubler, habitué à être ainsi souvent interpellé. Il est donc arrivé à un état de perfection où il n’est plus instruit par les hommes, mais directement par une voix divine. Il devient, comme le dit la Vie d’Antoine, théodidacte. Soulignons ce titre d’Antoine ; à quelle étape de sa vie apparaît-il ? Quels exercices ascétiques ou quelle initiation mystérique il suppose, mais surtout que signifie cet enseignement divin face à l’enseignement des lettres par les grecs, auxquels la Vie d’Antoine s’adresse tout autant qu’aux moines.