Ruth 2, 14-23

découvrir qui tu es, o Christ, pour devenir tien

Saint Jean de la Croix

Le Cantique Spirituel, strophe 37, p. 226s

       Le principal motif, qui fait aspirer l’âme à se voir détachée des liens du corps et réunie au Christ, est le désir de le voir face à face, et de connaître jusque dans leur profondeur ses voies admirables, spécialement les éternels mystères de son Incarnation. Cette connaissance ne formera pas une des moindres parties de la béatitude, suivant la parole que le Christ lui-même adressait à son Père et que nous lisons en saint Jean : La vie éternelle consiste à te connaître, toi, le seul Dieu véritable, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ. L’âme qui parvient à la vision de Dieu aspire tout d’abord à jouir des profonds secrets, des profonds mystères de l’Incarnation et des voies éternelles de Dieu qui s’y rattachent. C’est pourquoi l’âme, après avoir exprimé son désir de se voir dans la beauté de Dieu, s’écrit : Puis aux cavernes élevées, de la pierre nous monterons. Ces cavernes sont fort cachées, et c’est là que nous entrerons. Au suc ces grenades nous goûterons.

       La pierre dont il s’agit, c’est le Christ lui-même, selon ce que dit saint Paul : La pierre était le Christ. Les cavernes élevées de cette pierre ne sont autres que les sublimes et profonds mystères de la sagesse de Dieu, cachées dans le Christ ; de même que les cavernes sont profondes et présentent de nombreuses cavités, ainsi chacun des mystères réunis dans le Christ est un abîme de sagesse qui offre, semblables à des cavités sans nombre, des jugements secrets de prescience de Dieu et de prédestination des enfants des hommes. Aussi l’âme ajoute que ces cavernes sont fort cachées.

       C’est ce qui faisait dire à saint Paul, parlant du Christ : En lui sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la science. L’âme désire donc entrer véritablement dans les cavernes du Christ afin de s’y plonger, de s‘y transformer, de s’enivrer de l’amour qu’elles contiennent. Mais si elle aspire à se cacher dans le sein de son Bien-Aimé, c’est que lui-même l’y invite, ainsi que nous le voyons au Livre des Cantiques : Lève-toi, hâte-toi, ma bien-aimé, mon unique beauté, et viens dans les trous de la pierre, dans la caverne de la muraille. C’est là que nous entrerons, et au suc des grenades nous goûterons. Le suc de ces grenades représente la jouissance et les délices de l’amour de Dieu qui découlent pour l’âme de la révélation et de la connaissance de ces mystères.