Proverbes 31, 10-31

Eve ou Marie

Père Evode Beaucamp

Sous la main de Dieu, la Sagesse et le destin des élus, p. 65s

             Le sage du livre des Proverbes murmure dans un soupir : Une femme parfaite, qui la trouvera ? Qu’on y prenne garde pourtant : ce n’est pas du mépris que procède une telle sévérité, mais de la très haute idée que la Bible se fait de la femme.

       Si, en effet, comme la Sagesse, la Femme accomplie est rare, elle n’en a que plus de prix. Ses traits, comme ceux de la Sagesse, sont d’une telle perfection, que seule la Main divine a pu les modeler, ce qui revient à dire que l’une et l’autre sont un don de Dieu, que ni l’une ni l’autre ne s’expliquent sans le mystère de la grâce : C’est Dieu qui donne la Sagesse ; une femme raisonnable, c’est un don de Dieu.

       Comment ne pas être frappé par l’insistance de ce parallélisme qui, avec le temps, ne cessera de s’accuser plus fortement ? Par la connexité du réel où l’homme se cherche et de l’idéal auquel il aspire, de la Sagesse dont Dieu emprunte la voix et de la femme qui par l’humanité répond ? Ne serait-ce pas que dans la femme idéale s’incarne l’humanité idéale dont rêvent les meilleurs des hommes, parce que Dieu en a enfoui dans leur cœur et l’idée et le désir ?

       Et, de fait, à la mesure que se précise le visage de la Sagesse, s’affinera aussi celui de la femme. Ce double progrès sera d’ailleurs étroitement lié à celui d’une pensée religieuse qui approfondira la nature et précisera la qualité des rapports d’Israël avec son Dieu.

       C’est que, dans la Bible, le rapport entre le signe et la chose signifiée n’est pas dans une construction artificielle de la pensée : les deux réalités mises en parallèles se compénètrent et se « promeuvent » l’une l’autre. Nous en avons ici un exemple lumineux : la fidélité de la femme, fruit de la Sagesse, et la Sagesse qui enseigne à l’humanité la fidélité à son Dieu se recouvrent de manière parfaite.

       Voilà pourquoi le Sage qui, depuis l’exil, attend l’avènement du nouvel Israël, appelle si ardemment de ses vœux celui de la Femme-Sagesse, qui, par sa droiture, sans compromission, et sa pureté, sans souillure, transformera le monde. C’est à la lumière de cette image idéale qui monte à l’horizon que se forme déjà l’âme des filles de Juda. Et les temps sont proches où cette âme trouvera dans la Vierge de Nazareth la plénitude de son harmonieuse beauté, où surgira, dans tout son éclat, la Femme qui, désormais, servira de modèle à toutes ses sœurs : Un signe grandiose apparut au ciel : c’est une Femme (Apocalypse 12,1).