Genèse 12,1-9+15,1-6 ou Siracide 45,1-16 ou Ephésiens 4,1-24

Le sens du service

Dom Adalbert de Vogüé

La Règle de saint Benoît, Commentaire doctrinal et spirituel, p. 281s

             « Servir » : les deux formes latines sous lesquelles ce verbe se présente dans la Règle de saint Benoît, ministrare et servire, traduisent chacune un verbe grec différent dans les deux grands textes pauliniens auxquels Benoît lui-même se réfère explicitement ou implicitement. Ministrare (diakonein en grec), c’est le service du diacre que la Règle évoque à propos du cellérier ; servire (douleuein en grec), c’est la servitude volontaire et spontanée, le service mutuel des chrétiens dans la charité, auquel Benoît fait allusion en caractérisant la tâche des hebdomadiers. Le service de ceux-ci n’est pas d’ailleurs seulement mutuel et à tour de rôle, mais aussi réglementaire et officiel comme celui du cellérier-diacre. Aussi n’est-on pas surpris que Benoît l’appelle occasionnellement ministère.

       Ces deux verbes que l’on trouve chez saint Paul évoquent à leur tour deux scènes du Nouveau Testament dont il y a lieu de penser qu’elles n’étaient pas absentes de l’esprit de Benoît. Parler de ministère diaconal, c’est faire naître le souvenir de l’institution des diacres, telle que le rapporte le livre des Actes. Bien que Benoît paraisse songer à cet épisode au chapitre des doyens plus précisément qu’ici, il est significatif que la tâche originelle de ces premiers diacres de Jérusalem ait été celle-là même à laquelle préside le cellérier : le service des tables.

       De son côté, la recommandation de se servir mutuellement dans la charité fait penser au lavement des pieds à la dernière cène. Avant comme après le geste de Jésus, des paroles explicites le rapportent à la charité dont il a aimé ses disciples, et ceux-ci sont invités à agir de même envers les autres, dans le même esprit. On notera que le lavement des pieds est justement, chez Benoît comme chez Cassien, le rite par lequel les hebdomadiers finissent leur semaine. Ainsi le service prend figure d’imitation du Christ et d’obéissance à son commandement.