Luc 24, 13-35

D’Emmaüs… au monde

Père Michel de Certeau

Les pèlerins d’Emmaüs, Christus, 1957, p. 61s

        Alors, les deux disciples comprennent tout. C’est Lui ! Peut-être se taisent-ils comme les disciples au bord du lac. Peut-être disent-ils : Rabbouni, comme Marie-Madeleine, ou : C’est le Seigneur, comme Jean. Ils sont là, et Lui avec eux.

Mais ils n’ont plus besoin de le posséder, maintenant qu’Il est avec eux. Leurs yeux qui se sont ouverts ne Le retiennent plus. Le Seigneur passe. Il peut maintenant les entraîner plus loin. Il est en route, et les invite à un perpétuel exode à sa suite. Ce que tu nous donnes de toi nous attire vers toi, Seigneur ; ce que tu nous enlèves de ta présence, Seigneur, te rend davantage présent.

Alors, par une décision jaillie de cette vie nouvelle en eux, ils reprennent la route à la suite de Celui qui est déjà parti ; comme Elie jadis après avoir rencontré Dieu, ils refont en sens inverse le chemin qui les avait portés loin de leur peuple, loin de leur ville, loin de leurs frères. Va trouver les frères, disait Jésus à Marie-Madeleine. Ils y vont : ses frères sont leurs frères. Dis-leur… : ils proclameront la Bonne Nouvelle.

A leur arrivée à Jérusalem, ils trouvent réunis les onze et leurs compagnons. On leur annonce alors ce qu’ils venaient annoncer : Le Seigneur est ressuscité ! Ces pèlerins reçoivent de l’Eglise ce qu’ils lui apportent, comme tout à l’heure ils recevaient de Jésus ce qu’ils lui offraient. La communauté juge et confirme les témoins, en même temps qu’ils la fortifient et l’édifient par leur propre expérience. Le Seigneur les arrache à eux-mêmes pour les combler de Lui. Il les rencontre chacun, et les rassemble tous pour les envoyer partout où il est déjà !

Unis par l’expérience personnelle du Seigneur, les disciples deviennent pour chacun les prophètes de Jésus-Christ. C’est bien vrai, le Seigneur est vraiment ressuscité. Chaque visage est un visage où Jésus vivant se cache et se montre, pauvre visage qu’on ne reconnaît pas et pourtant présence éclatante à la foi. Mais quand ils sont tous à se dire la même chose, en son nom, Jésus est parmi eux. Il est là, de nouveau, présent, mais absent déjà : C’est bien moi.