Nombres 14, 1-25

Un nouveau peuple

Origène

Homélie VIII sur les Nombres, SC 415, p. 205s

            Le peuple se laisse emporter par le désespoir. Mais la gloire du Seigneur les enveloppe de nuées ; le Seigneur dit alors à Moïse : Je les frapperai de mort et les ferai périr ; je ferai de toi et de la maison de ton père une nation plus grande et plus nombreuse que celle-ci.

            Le Seigneur profère donc une grande menace : ce n’est pas pour montrer que la nature divine est sujette au vice de la colère, mais pour faire connaître la charité de Moïse pour le peuple et la bonté inimaginable de Dieu. Il est écrit en effet que Dieu s’irrite et menace le peuple de mort pour que l’homme en tire cet enseignement : il tient une telle place, il a un tel crédit auprès de Dieu, que, même si Dieu a quelque sujet de s’indigner, les supplications humaines le retiennent, et le pouvoir de l’homme est tel qu’il peut obtenir de Dieu qu’il change ses décisions ; car la bonté qui succède à la colère montre le crédit de Moïse auprès de Dieu et enseigne que la nature divine est incompatible avec le vice de la colère.

            Le texte contient aussi, en même temps, un mystère qui dit s’accomplir dans les siècles à venir : Dieu promet qu’après le rejet de ce peuple, il en suscitera un autre ; il dit en effet : Je les frapperai de mort et les ferai périr ; et je ferai de toi  et de la maison de ton père une grand nation, bien plus grande que l’actuelle. Une telle menace n’est donc pas de la colère, mais une prophétie. Car une autre nation, le peuple des païens, devait être choisie, mais non par l’entremise de Moïse ; c’est pourquoi Moïse s’est excusé : il savait en effet que cette grande nation de la promesse ne devait pas recevoir sa vocation de Moïse, mais de Jésus Christ, et que ce peuple ne porterait pas le nom de Moïse, mais celui de chrétiens. Voilà bien la raison pour laquelle Moïse multiplie ses instances en faveur ce peuple. Quant au Seigneur, il dispense le châtiment avec modération ; il dit : Les hommes qui sont sortis d’Egypte, ceux qui m’ont mis à l’épreuve et sont restés incrédules, ceux-là tomberont dans le désert ; ils ne verront pas le pays que j’ai promis par serment de donner à leurs pères ; mais leurs fils, ceux qui sont ici avec moi, tous ceux qui ignorent le bien et le mal, ceux-là le verront.