20, 1-13 + 21,4-9

Le serpent de bronze

Saint Ephrem de Nisibe

Sur la pénitence

             Lorsque le peuple pécha dans le désert, Moïse, qui était prophète, ordonna aux Israélites de dresser un serpent sur une croix, c’est-à-dire de mettre à mort le péché.

            Il ne façonna point un serpent creux et vide ; il en fit un de bronze massif, fondu au feu. Pourquoi cela ? Parce que Moïse voulait te montrer qu’il faut t’éloigner absolument de toute malignité. Il fit un serpent de métal massif, car la racine de tous les vices, c’est la cupidité. Il façonna le serpent de bronze coulé dans la fournaise, pour t’inciter à réprimer le feu des passions qui s’insinue en ton esprit afin de le corrompre. Voilà les trois genres de vices que Moïse cloua à la croix ; ce sont eux qui causent la mort de l’âme.

            C’était donc un serpent qu’il fallait regarder, puisque c’était par des serpents que les fils d’Israël avaient été frappés pour leur châtiment. Et pourquoi par des serpents ? Parce qu’ils avaient renouvelé la conduite de nos premiers parents. Adam et Eve péchèrent tous deux en mangeant du fruit de l’arbre ; les Israélites murmurèrent pour une question de nourriture. Proférer des paroles de plainte parce qu’on manque de légumes, c’est le comble du murmure. Voilà ce qu’atteste le psaume : Ils parlèrent contre Dieu dans les lieux arides. Or, dans le paradis aussi, le serpent fut à l’origine du murmure. De même, le prophète Malachie accuse Israël : Vous avez mal parlé contre le Messie. Mais eux de répondre : Qu’avons-nous dit contre lui ? N’était-ce pas exactement la même attitude qui les livra aux morsures des serpents ?

            Les fils d’Israël devaient ainsi apprendre que le même serpent qui avait tramé la mort d’      Adam, leur avait procuré la mort à eux aussi. Moïse le suspendit donc au bois, afin qu’en le voyant, ils fussent amenés, par la similitude, à se souvenir de l’arbre. Ceux, en effet, qui tournaient leurs yeux vers lui étaient sauvés, non certes grâce au serpent, mais à cause de leur conversion. Ils regardaient le serpent et ils se rappelaient leur péché. Parce qu’ils étaient mordus, ils se repentaient, et, une fois de plus, ils étaient sauvés. Leur conversion transformait le désert en demeure de Dieu ; le peuple pécheur devenait par la pénitence une assemblée ecclésiale, et, bien mieux, malgré lui, il adorait la croix.