Gn 28, 10-22

La mort et l’ascension d’un homme de Dieu

Dom Adalbert de Vogüé

Saint Benoît, homme de Dieu, p. 94s

             Comme sa sœur Scholastique, Benoît, à l’instant de sa mort, va s’avérer un ami de Dieu, visiblement emporté au ciel à la manière d’Elie et de Jésus lui-même. Sa mort, il l’avait prédite à plusieurs de ses disciples ; il l’avait prévu, il avait connu le jour où elle se produirait, il avait annoncé les signes par lesquels les absents l’apprendraient.

            Cette connaissance précise et sereine des circonstances de son départ s’est étendue aux derniers détails. Six jours avant sa mort, il fait ouvrir son tombeau. Suit un premier accès de fièvre, le mal s’aggravant ensuite de jour en jour. La dernière heure venue, Benoît se fait porter à l’oratoire, y communie au corps et au sang du Christ, et meurt, debout, soutenu par ses fils, les mains levées au ciel, dans l’attitude et l’acte de la prière. Cette mort debout ressemble au fier trépas de l’empereur Vespasien qui était lui aussi un fils de Nursie. Mais en étendant les mains pour prier, Benoît pense à d’autres exemples, chrétiens et monastiques ceux-là, dont le plus célèbre est celui de Paul, le premier ermite. En mourant à l’oratoire et dans l’oraison, l’Abbé du Mont-Cassin signifie une dernière fois la volonté de prière constante qui a été l’âme de sa vie.

            C’est sans doute à l’oratoire Saint-Martin que Benoît est mort. Mais c’est en tout cas à l’oratoire Saint-Jean-Baptiste, au sommet du Mont-Cassin, qu’il fut enterré. Ancien lieu de culte païen, transformé par lui en sanctuaire du Christ, cet édifice reçut de sa sépulture une consécration définitive.

            Rapporté en deux mots, cet ensevelissement importe moins que la vision radieuse accordée à deux des frères ce jour-là. Ce qu’ils voient n’est pas une représentation de l’âme montant vers Dieu, mais simplement une voie lumineuse qui, partant du monastère, s’élève du côté de l’Orient et s’enfonce vers le ciel. Ce chemin, Benoît vient d’y passer, leur apprend un ange. On songe à l’échelle de Jacob, dont la Règle bénédictine fait le symbole de l’ascension spirituelle du moine. En mourant, Benoît n’a fait que gravir le dernier échelon d’une montée par l’humilité qui a duré sa vie entière. Qui s’abaisse sera exalté. L’humiliation suprême de la mort mène à son terme ce paradoxe évangélique de l’abaissement qui s’élève.