Sur Isaïe 35, 1-10
Le désert refleurit, l’accomplissement du salut approche

Père Félice Montagnini
La joie du salut qui vient, AS 7, p. 7s

La première image, dans le texte d’Isaïe que nous venons de lire, est des plus naturelles à l’heure où la caravane des rescapés de l’exil marche sur le chemin du retour. A son passage, un frémissement de vie parcourt le désert et, comme par enchantement, le transforme en une terre fertile.
L’idée du désert qui fleurit et se transforme est, comme toujours, suggérée ici par des souvenirs religieux attachés à la foi. Certes, l’habitant des terres cultivées voit dans le désert une région inhabitée, désolée, privée de végétation, aride, effrayante, et il se l’imagine plongée dans les ténèbres. Mais l’Israélite n’a pas oublié que c’est précisément à travers l’expérience du désert qu’Israël est parvenu à l’Alliance avec Dieu ; là même il a reçu la Loi qui a fait de lui le peuple de Dieu. Dans ces perspectives, la période du désert n’évoque pas tant le souvenir des souffrances indicibles endurées par la génération de l’Exode, que celui d’une tendre intimité avec Dieu, au cours de laquelle une terre rude et desséchée a pu se transformer en jardin. De même que le ciel, la terre, les montagnes et les îles apparaissent solidaires du destin de l’homme, lorsque les rescapés de l’exil de Babylone retournent vers leur patrie, le désert qu’ils parcourent refleurit.
Ce retour n’est pas un simple fait extérieur, mais la réintroduction dans l’intimité divine. Comme notre mot, « revenir », mais avec une insistance manifestement voulue, ce verbe suggère dans l’Ancien Testament tous les aspects inclus dans l’acte de « se tourner » : se tourner en vérité vers Dieu exige que soit restaurée la rectitude des rapports avec Dieu, tout bouleversés par le péché. D’où l’appel de Zacharie, en parfaite conformité avec la situation de l’exil : Revenez à moi, et je reviendrai à vous.
Mais le rapport fondamental qui unit l’homme à Dieu peut-il être restauré sans que soient redressées par le fait même toute les déviations engendrées par l’apostasie ? Non, certes, car Dieu fait cette promesse aux exilés : si vous revenez (à moi), je vous ferez revenir (dans votre terre), mais il y a une condition : il vous faut revenir à moi.
Dans la mesure où on le considère comme la synthèse et la conclusion de la rencontre entre Dieu et son peuple, inaugurée lors de l’Alliance, ce retour dans la terre promise manifeste vraiment l’intervention salvifique de Dieu. Aussi apparaît-il parfaitement apte à signifier l’espérance eschatologique qui a comme objet le règne universel de Dieu (Isaïe 45,14).