Siracide 29,1-13 + 31,1-4

Sur les aumônes

Saint Augustin

Sermon 310, OC 20, p. 619s

 

Les blessures des péchés ont leur remède dans les aumônes ; l’aumône délivre de la mort, et ne laisse point tomber une âme dans les ténèbres, peut-on lire dans le livre de Tobie. Au jour du jugement, elle plaide en notre faveur et nous délivre de la crainte des flammes éternelles, comme le dit saint Jacques dans sa lettre : La miséricorde s’élève au-dessus du jugement, et Celui qui n’aura point fait miséricorde sera jugé sans miséricorde. Telle doit être cette miséricorde, frères, que Dieu l’accepte et ne la rejette pas ; elle efface les péchés au lieu d’accroître le fardeau de l’âme, on doit la faire du produit bon et juste de son travail, non pas du fruite de la rapine. Dieu qui veut que l’homme soit compatissant à toute heure, ne voit pas de bon œil celui qui est compatissant au moyen de la fraude, selon la parole prophétique de Salomon : Honorez le Seigneur en lui faisant part des biens qui proviennent de vos justes labeurs. Il est donc prescrit de faire l’aumône sur nos ressources légitimes, défendu d’y pourvoir par d’injustes rapines. Or, quand Dieu jugera le monde, ceux qui vivent de fraudes et qui sont miséricordieux aux dépens des malheureux qu’ils dépouillent, ne manqueront pas de dire : Seigneur, nous avons observé tes commandements, et nous avons fait l’aumône en ton nom, nourrissant les pauvres, vêtant ceux qui étaient nus, accueillant les étrangers sous notre toit. Et Dieu leur répondra : Vous parlez de vos dons, que ne parlez-vous de vos rapines ? Vous rappelez ceux que vous avez nourris ; pourquoi taire ceux que vous avez tués ? Ceux que vous avez vêtus s’en réjouissent, et ceux que vous avez dépouillés crient vengeance ! Vous avez bon souvenir de ceux que vous avez reçus ; oubliez-vous combien de malheureux vous avez chassés de leurs demeures ? J’ai fait, moi, un précepte de la miséricorde, je n’ai pas prescrit les fraudes et les rapines. Chrétiens, les demeures éternelles sont à vous, si vous donnez à manger à ceux qui ont faim. Si vous donnez, vous amassez pour l’avenir un trésor dans ces demeures, trésor non pour la satiété de la chair, mais pour la glorification de l’âme ; non pour la réplétion du ventre, mais pour l’extinction des flammes, puisqu’il est écrit : L’aumône délivre de la mort, et ne laisse point une âme tomber dans les ténèbres.