Siracide 14,20 – 15,10

Le bonheur du sage

Saint Augustin

Le livre de la vie heureuse, Discussion du troisième jour, OC 2, p. 498s

 

Etre heureux, c’est être sage, et si vous demandez ce que c’est que la sagesse, je vous dirai que la sagesse n’est autre chose que la mesure de l’âme, c’est-à-dire ce par quoi l’âme se pondère, de manière à s’écarter du trop et de ne pas se réduire au trop peu. Sans cette mesure, l’âme se jette dans les plaisirs, dans les honneurs, dans les excès de l’orgueil, dans toutes choses où les esprits ambitieux, et par conséquent malheureux, pensent pouvoir trouver la joie et le bonheur. La sagesse se trouve alors resserrée par les bassesses, par la crainte, par la tristesse, par la cupidité, et par une foule d’autres passions qui, de l’aveu même des malheureux, font le malheur de l’homme. Quand, au contraire, l’âme a trouvé la sagesse, lorsqu’elle s’y tient, qu’elle s’y attache, quand elle ne se laisse pas impressionner par la vanité et ne se tourne pas vers les apparences trompeuses, quand, enfin, soutenue par son Dieu, elle les laisse tomber et s’écrouler de tous leur poids, alors elle n’a rien à craindre d’aucun excès, ni de l’indigence, ni, en dernier lieu, du malheur. Tout homme heureux est en possession de sa juste mesure : il possède la sagesse.

Mais, à quelle sagesse, sinon à celle de Dieu, peut-on véritablement donner ce nom ? Nous savons de source divine que le Fils de Dieu n’est autre que la sagesse, et que le Fils de Dieu est véritablement Dieu. Par conséquent, tout homme heureux possède Dieu. Mais, à votre avis, la sagesse n’est-elle pas la vérité ? Le Seigneur lui-même n’a-t-il pas dit : Je suis la vérité ? Si la sagesse est la vérité même, elle le doit à une suprême mesure dont elle procède et vers laquelle elle se tourne lorsqu’elle est parfaite. Or, au-dessus de cette suprême mesure, il n’est point d’autre mesure. Donc, point de vérité sans la juste mesure, ni de juste mesure sans la vérité. Et qu’est-ce que le Fils de Dieu ? C’est la vérité. Tout homme qui arrivera à la mesure suprême par la vérité sera heureux. C’est là posséder Dieu dans son âme, c’est-à-dire jouir pleinement de Dieu.