Sagesse 1,16 – 2,24

La vie selon les impies

Père Divo Barsotti

Le livre de la Sagesse, p. 41s

 

Nous venons de l’entendre à la fin de la lecture, les impies veulent persécuter le juste et lui donner la mort pour défier Dieu d’intervenir : Si le juste est fils de Dieu, Dieu l’assistera. L’impiété n’est pas en parallèle avec la sainteté du juste, mais avec sa foi, la foi en un Dieu qui n’est pas lointain, en un Dieu qui vit dans le cœur de l’homme, avec qui l’homme peut vivre en une communion d’amour.

Le vrai miracle de l’histoire du monde, c’est cela : tous les autres miracles sont bien peu de choses, même la résurrection d’un mort. Mais que je puisse croire que Dieu m’aime, que je puisse croire possible pour moi une vie de rapport avec lui, voilà le miracle. Or, toute la vie dépend de ce miracle, de croire qu’il y a un œil attentif à me suivre sur le chemin, une oreille qui écoute ma parole, un cœur qui s’ouvre à ma souffrance. La vie de l’âme est tout entière dans cette foi.

Dans le livre de la Sagesse, l’impiété n’est pas négation de Dieu ; mais qu’il y ait un Dieu, ou qu’il n’y en ait pas, c’est un tout : avec ou sans Dieu, l’homme reste seul, voilà ce que pense l’impie. Que Dieu existe ou non, la condition humaine demeure ce qu’elle est : une courte vie, puis c’est fini. Avec ou sans Dieu, l’homme doit se suffire à lui-même et créer son propre destin. La meilleure chose à faire, étant donné que l’homme vit un matin et un soir, c’est de cueillir toutes les fleurs du jardin, en jouissant de tous les plaisirs que le monde peut offrir.

Au fond, l’impiété est la prétention de chercher la félicité dans le monde présent, par les moyens que la nature offre à l’homme, sans compter sur Dieu, sans que Dieu entre en ligne de compte, parce que Dieu est trop grand et laisse l’homme vivre sa vie sans lui. Dans ce jugement pratique naît l’impiété de l’homme. Dans le livre de la Sagesse, il n’est pas question de rébellion contre Dieu : l’impie ne blâme pas, n’offense pas Dieu directement ; il veut seulement jouir de la vie. La vie est trop brève, donc il faut savoir la cueillir ; le chemin de l’homme est comme celui de l’oiseau dans les airs, comme un passage sur l’eau dont la trace disparaît en un instant. Ce n’est pas exactement renier Dieu, c’est refuser d’avoir foi en l’Alliance, d’avoir foi en un rapport et une communion de l’homme avec Dieu. Enlevez Dieu de l’horizon de l’homme, sa vie n’est plus qu’une vie d’un jour. Le cœur de l’impie se dérobe, se soustrait totalement à l’action du gouvernement divin.