Siracide 38,24 – 39,11

Travail et dignité de la personne

Saint Jean-Paul II

Sur le travail humain, Laborem exercens, DC 4 octobre 1984, p. 841s

 

L’intention fondamentale et primordiale de Dieu, par rapport à l’homme qu’il créa à sa ressemblance et à son image, n’a pas été rétractée ni effacée, même pas lorsque l’homme, après avoir rompu l’alliance originelle avec Dieu, entendit les paroles : A la sueur de ton front, tu mangeras ton pain. Ces paroles se réfèrent à la fatigue parfois pesante qui depuis lors accompagne le travail humain ; elles ne changent pas pour autant le fait que celui-ci est la voie conduisant l’homme à réaliser la domination qui lui est propre sur le monde visible en soumettant la terre. Cette fatigue est un fait universellement connu, parce qu’universellement expérimenté. Ils le savent bien tous les travailleurs, et puisque le travail est vraiment une vocation universelle, tous les hommes.

Et pourtant avec toute cette fatigue, si ce bien porte la marque d’un bien ardu, selon la terminologie de saint Thomas, cela n’empêche pas que comme tel, il est un bien de l’homme. Il n’est pas seulement un bien utile, mais il est un bien digne, c’est-à-dire qu’il correspond à la dignité de l’homme, un bien qui exprime cette dignité et qui l’accroît. Et voulant mieux préciser le sens éthique du travail, il faut avant tout prendre en considération cette vérité. Le travail est un bien de l’homme, car, par le travail, non seulement l’homme transforme la nature en l’adaptant à ses propres besoins, mais encore il se réalise lui-même comme homme, et même en un certain sens il devient plus homme.

Sans cette considération, on ne peut comprendre le sens de la vertu de l’ardeur au travail, plus précisément on ne peut comprendre pourquoi l’ardeur au travail devrait être une vertu ; en effet, la vertu comme disposition morale est ce qui permet à l’homme de devenir bon en tant qu’homme. Ce fait ne change en rien notre préoccupation d’éviter que dans le travail l’homme lui-même ne subisse une diminution de sa propre dignité, encore qu’il permet à la matière d’être ennoblie. On sait aussi, que, de bien des façons, il est possible de se servir du travail contre l’homme, qu’on peut punir l’homme par le système du travail forcé dans les camps de concentration, qu’on peut faire du travail un moyen d’oppression de l’homme, qu’enfin on peut, de différentes façons, exploiter le travail humain, c’est-à-dire le travailleur. Tout ceci plaide pour l’obligation morale d’unir l’ardeur au travail comme vertu à un ordre social du travail qui permette à l’homme de devenir plus homme dans le travail, et lui évite de s’y dégrader en usant ses forces physiques, et surtout en entamant la dignité et la subjectivité qui lui sont propres.