1 Corinthiens 1,18-2,5 ou 1 Corinthiens 4,1-16

La lettre de Jude

Père Amédée Brunot

Saints et saintes de l’Evangile, p. 132s

 

La lettre de Jude est un petit écrit de vingt-cinq versets. Le style est à la fois d’un Palestinien imprégné de la Bible et de la littérature apocalyptique, et d’un homme qui maniait bien le grec. La connaissance par un même homme du grec et de l’hébreu s’explique aisément dans une capitale cosmopolite comme Jérusalem, où la formation biblique et rabbinique n’empêchait pas de devenir helléniste. D’ailleurs des incorrections et des sémitismes trahissent le terroir palestinien.

L’auteur déclare lui-même qui il est : Jude, serviteur de Jésus-Christ, frère de Jacques. Son but en écrivant ce billet à ses communautés palestiniennes, est de dénoncer avec force de graves fléchissements d’ordre moral et des aberrations doctrinales. Quelques individus s’élèvent contre la doctrine traditionnelle de l’Eglise et mettent la foi en péril. Ils créent des divisions parmi les fidèles. Ils ressemblent à des arbres stériles qui, même à la fin de l’automne, ne portent pas encore de fruits ; mieux à des arbres morts et déracinés, aux nuages emportés par le vent sans avoir répandu le bienfait de la pluie, à des astres fous qui ont dévié de leur trajectoire, aux anges rebelles, aux tristes habitants de Sodome. Leur châtiment sera tragique et exemplaire. La violence du ton contraste avec l’imprécision sur ces individus, et leurs déviations montrent bien que Jude perçoit le péril sans pouvoir ou savoir préciser, signe que ces infiltrations hérétiques étaient récentes et encore très floues. Nous saisissons les premiers germes du gnosticisme chrétien qui se développeront au siècle suivant.

Cette lettre nous livre quelques témoignages précieux sur la pensée et la vie des premières communautés chrétiennes de Palestine ; les fidèles prient le Dieu unique à qui appartiennent la gloire, la majesté, la domination, la puissance de toute éternité. Ils connaissent la Trinité constituée par le Père, Jésus-Christ et l’Esprit-Saint. La préexistence du Verbe semble affirmée lorsque Jude, parlant de Jésus-Christ et de son action immédiate sur l’histoire juive, l’appelle le Seigneur. Jésus-Christ a été envoyé par le Père pour sauver le monde. L’Esprit-Saint est présent à l’âme du fidèle, et c’est en lui que doit être formulée notre prière.

La foi constitue le fondement de la vie chrétienne. Elle a été transmise une fois pour toutes ; elle est donc déjà une tradition qui ne change pas, un dépôt qu’on doit conserver intact. Elle est inséparable de la charité. Il faut demeurer ferme dans l’amour de Dieu ; la vie éternelle est promise à ceux qui auront tenu fermement, mais pour les autres, anges et hommes, le châtiment sera inexorable. La lettre se termine par un fragment d’hymne liturgique, témoin précieux des chants et des prières de premiers chrétiens.