Tobie 3, 7-17

« Amour sera-t-il plus fort que la mort ? »

Père Jacques Goettmann

Tobie, Livre des fiancés et des pèlerins, p. 48s

          Sara surmonte la tentation du suicide grâce à des raisons familiales et sociales. Comme Tobie, le vieil aveugle, Sara s’avance pourtant vers la mort, elle s’y avance sous le regard de Dieu. Sa prière se joint admirablement à celle de Tobie. La Vulgate remplace la tentation du suicide par des notations plus mystiques : « Sara monta dans la plus haute chambre de la maison et fut trois jours et trois nuits sans boire et sans manger. Ainsi demeurant, elle faisait avec larmes prières à Dieu pour qu’il la délivrât de cet outrage ». Les trois jours de jeûne et de veille ouvrent, en cette chambre haute, l’œuvre de purification et d’union qui s’achèvera, dans la chambre nuptiale, par un triduum semblable, noté par la Vulgate. Saint Jérôme s’est sans doute souvenu de ce mot de Jésus : Cette espèce de démon ne peut sortir que par la prière et par le jeûne.

          La prière de Sara ressemble à celle de Tobie. Ses premières paroles sont pour bénir le Seigneur. Elle le contemple dans sa miséricorde et la sainteté de son Nom. Avant de parler de son propre malheur, Sara entre dans cette voie d’amour où la sainteté et la miséricorde divines purifieront sa misère. Pour elle, le mot miséricorde prend tout son sens. Le cœur de Dieu enveloppe de sa forte tendresse sa misère de jeune veuve, de juive exilée et ensorcelée, de maîtresse outragée par ses servantes.

          La prière se poursuit par le regard de Sara vers son Seigneur et le regard du Seigneur vers Sara. Ces deux regards accompagnent la même plainte : La mort plutôt que l’outrage ! Sara expose à Dieu son malheur, puis elle s’abandonne à Celui qui est le Maître de la mort et de la vie.

          A ces considérations, saint Jérôme substitue son commentaire moral et mystique : Seigneur, tu sais que je n’ai jamais convoité d’homme. Jamais je ne me suis mêlée avec ceux qui s’amusent ; j’ai consenti à prendre mari selon la crainte, non selon mon désir. Ou bien je n’ai pas été digne d’eux, ou bien ils n’ont pas été dignes de moi, ou bien tu me réserves à un autre mari. Ton dessein n’est pas à la mesure de l’homme, mais celui qui  t’adore est certain que sa vie, à travers l’épreuve, sera couronnée, à travers l’angoisse, sera délivrée, à travers la correction, viendra à ta miséricorde. Par un certain rythme pascal, ces versets font écho au leit-motiv du cantique final de Tobie et aux paradoxes chrétiens décrits par saint Paul dans sa seconde lettre aux Corinthiens.