2 Pierre 3, 1-10

L’eschatologie chrétienne

Eric Fuchs et Pierre Reymond

La deuxième épître de saint Pierre, p. 114s

          Après avoir réfuté les thèses cosmologiques des adversaires, notre auteur en vient à ce qui manifestement l’intéresse plus encore : réconforter ses frères quelque peu troublés par la constatation que le Seigneur semble tarder à venir remplir se promesse : pourquoi Dieu n’agit-il pas pour mettre un terme à ce monde ? L’auteur de cette lettre va réfuter la non-intervention, provisoire, de Dieu par deux arguments : celui de la relativité du temps pour Dieu et celui de la patience de Dieu.

            Intéressons-nous au premier argument, la relativité du temps pour Dieu, le verset 8 que nous avons entendu. De l’indicatif présent, utilisé pour parler à la troisième personne des adversaires, succède l’impératif, utilisé pour parler à la deuxième personne aux croyants. Le discours se fait exhortation : il y a en tout cas une chose qu’il ne faut pas ignorer.

            Cette chose, capitale pour comprendre l’eschatologie chrétienne, c’est que la mesure du temps pour Dieu n’est en aucune façon la nôtre. L’auteur cite ici le psaume 90, 4 : Oui, mille ans, à tes yeux sont comme hier, un jour qui s’en va, comme une heure de la nuit. Citation qu’il complète d’ailleurs en ajoutant le rapport inverse ; non seulement mille ans sont comme un jour, mais un jour est comme mille ans. Ce qui lui permet de changer l’accent du texte : le psaume insistait sur l’opposition entre l’éternité de Dieu et la brièveté de la vie humaine ; notre auteur, lui,  met en relief le contraste entre notre appréhension du temps et celle de Dieu. Ce qui pour nous est infiniment long (1000 ans), ou très bref (un jour), peut être pour Dieu appréhendé d’une tout autre façon, comme une égalité par exemple. Ainsi, notre manière chronologique de parler du temps doit être sérieusement relativisée.

            Du coup l’impatience eschatologique doit être elle aussi relativisée et calmée : ce n’est pas parce que le Seigneur ne revient pas qu’il oublie sa promesse, sa mesure du temps n’est simplement pas la nôtre. D’autre part, cette lettre revalorise, ce faisant, le temps de l’attente dans lequel nous sommes encore. Pour Dieu, un jour est comme mille ans : ce que nous vivons présentement n’est donc pas un vide que seule l’impatience du futur peut en partie combler. Dans l‘instant qui passe, l’éternité de Dieu peut se trouver présente.

            Comme toute impatience ou vaine curiosité apocalyptique, contre toute spéculation gnostique qui toutes refusent d’accorder au temps présent une valeur, cette lettre ne rappelle pas seulement que le Seigneur finira bien par venir tout de même, mais aussi que le temps de l’attente n’est pas sans valeur.