Jean 12, 24-26

« Si le grain ne tombe en terre… »

Dom Augustin Guillerand

Ecrits Spirituels, Tome II, p. 38s

          L’union à son Père, la manifestation de cette union, la manifestation du mouvement d’amour, du souffle divin, de l’Esprit qui l’anime, le soulève, et l’emporte à son Père, voilà la raison d’être et le caractère vrai de la Passion : c’est une ascension qui le reconduit, le fait remonter, le fait entrer chez lui. Il souffre pour que l’on voie cela, afin que le monde sache, pour que ce souffle se manifeste, soit connu, pour qu’il puisse se communiquer à ceux qui comprendront et verront. Aussi, quand il parle à l’avance de sa Passion, quand il l’annonce, il l’appelle toujours une exaltation, une ascension : De même, dit-il à Nicodème, que Moïse a élevé le serpent d’airain dans le désert, ainsi le Fils de l’homme doit être élevé, exalté, et tous ceux qui dans cette exaltation sauront voir la vie éternelle du Père et du Fils, participeront à cette union et entreront dans cette vie. Il reprend la même formule devant les Juifs à son dernier séjour à Jérusalem : Quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes. Et le même jour, dans une image peut-être encore plus expressive : Si le grain de froment ne tombe pas en terre, il reste inerte et stérile ; s’il meurt, il porte beaucoup de fruits.

          La Passion et la mort ne sont que des réalités passagères, superficielles ; on pourrait presque dire des apparences : la réalité profonde, c’est la vie qui se renouvelle, la plante nouvelle qui naît, c’est son ascension féconde dans l’air radieux qui est sa patrie, c’est-à-dire le lieu paternel. Et pourquoi cette fécondité et cette vie qui se renouvelle ?

          Parce qu’en tombant dans le sol, la plus petite graine rentre en contact avec les éléments nourriciers dont elle est formée ; le sol où elle tombe est sa patrie. Remarquez le mot : il veut dire le lieu paternel, le sein du Père. La passion et la mort, c’est le retour en ce sein. Ce qui tombe et meurt n’était qu’une écorce, une enveloppe, une protection pour le temps de formation et de croissance. La formation achevée, l’enveloppe doit disparaître, éclater, livrer passage à la vie ; c’est une pierre tombale, l’Esprit la soulève.