Matthieu 14, 22-33

« C’est moi, n’ayez pas peur ! »

Origène

Commentaire sur l’évangile de Matthieu, SC 162, p. 297s

          Si un jour, nous sommes aux prises avec des tentations inévitables, souvenons-nous que Jésus nous a obligés à nous embarquer et qu’il veut que nous le précédions sur l’autre rive. Car il est impossible, pour qui n’a pas supporté l’épreuve des vagues et du vent contraire, de parvenir sur ce rivage-là. Aussi, lorsque nous nous verrons entourés par des difficultés multiples et pénibles, fatigués de naviguer au milieu d’elles avec la pauvreté de nos moyens, imaginons que notre barque est alors au milieu de la mer, secouée par les vagues qui voudraient nous voir faire naufrage dans la foi ou en quelque autre vertu. Et si nous voyons le souffle du mauvais s’acharner contre nous, songeons qu’alors le vent nous est contraire.

            Quand donc, au milieu de ces difficultés, nous aurons tenu bon durant les longues heures de la nuit obscure qui règne dans les moments de tentation, quand nous aurons lutté de notre mieux en prenant garde afin d’éviter le naufrage de la foi, soyons sûrs que quand la nuit sera avancée et qu’approchera le jour, le Fils de Dieu viendra près de nous, marchant sur les flots pour nous rendre la mer bienveillante.

            Lorsque nous verrons le Verbe apparaître, nous serons saisis d’effroi jusqu’au moment où nous comprendrons clairement que c’est le Sauveur qui vient à nous. Croyant encore voir un fantôme, remplis de crainte, nous crierons, mais lui nous dira : Ayez confiance, c’est moi, n’ayez pas peur !

            A ces mots rassurants, peut-être trouvera-t-on parmi nous, animé d’une plus grande ardeur, un Pierre, en marche vers la perfection, sans y être encore parvenu, qui descendra de la barque, sachant qu’il a échappé à l’épreuve qui le secouait. Son désir d’aller au-devant de Jésus le fera tout d’abord marcher sur les eaux, mais sa foi étant encore insuffisante, lui-même encore dans le doute, il remarquera la force du vent, il prendra peur et commencera à s’enfoncer dans les eaux. Pourtant, il échappera à ce malheur, car il appellera Jésus à grands cris : Seigneur, sauve-moi ! A peine, cet autre Pierre aura-t-il fini de pousser ce cri que le Verbe étendra sa main, lui portera secours et le saisira au moment où il commencera à couler, lui reprochant son peu de foi et ses doutes.

            Là-dessus, Jésus et Pierre remonteront dans la barque, le vent se clamera, et les passagers, comprenant à quels dangers ils ont échappé, adoreront Jésus, disant : Vraiment, tu es le Fils de Dieu.