Jean 15, 1-8

En dehors de moi, vous ne pouvez rien faire

Saint Jean Cassien

Conférences 13, 6, SC 54, p. 153s

          En bien des choses, et pour mieux dire, en toutes choses, l’homme a besoin sans cesse du secours divin. L’humaine fragilité ne peut rien accomplir de ce qui regarde le salut, par soi seule et sans l’aide de Dieu. Les leçons d’une expérience que nous avons pu nous-mêmes vérifier, sans parler d’indices et de preuves certaines, nous rendront cette vérité plus manifeste. Mainte fois, il arrive que nous souhaitons exécuter quelque utile dessein ; rien ne manque à l’ardeur de nos désirs, et la parfaite bonne volonté  non plus ne nous fait pas défaut. N’est-il par vrai pourtant qu’une faiblesse quelconque rend inutiles les vœux que nous avons formés et empêche le bon effet de nos résolutions, si le Seigneur, en sa miséricorde, ne nous donne la force de les accomplir ? La multitude est innombrable de ceux qui désirent loyalement se consacrer à la poursuite de la vertu ; mais, si vous comptez ceux qui réussissent à réaliser leurs rêves et à persévérer dans leurs efforts, que vous en trouverez peu !

          Et je n’ai pas tout dit ! Alors même que nulle défaillance ne vient nous faire obstacle, nous n’avons pas la franche liberté de faire tout ce que nous voulons. Nous ne sommes pas exacts comme nous le voudrions au silence intérieur, ni à l’observance des commandements, ni à la lecture assidue dans le temps même où nous le pourrions ; mais certains cas se présentent qui nous retirent, malgré nous, de nos salutaires pratiques, si bien qu’il faut implorer, du Seigneur, les temps et les lieux favorables pour nous y livrer. Il est sûr que pouvoir ne suffit pas, si Dieu ne nous accorde pas l’occasion propice pour accomplir les choses qui nous sont manifestement possibles. Nous voulions aller vers vous, dit saint Paul à ce propos, une première et une deuxième fois, mais Satan nous en a empêchés.

          Dieu n’a pas créé l’homme pour qu’il se perde, mais pour qu’il vive éternellement : ce dessein demeure immuable. Dès qu’il voit éclater en nous la plus petite étincelle de bonne volonté, ou qu’il la fait jaillir lui-même de la dure pierre de notre cœur, sa bonté en prend un soin attentif. Il l’excite, il la fortifie par son inspiration. Car Dieu ne veut pas qu’une seule âme périsse.