Néhémie 9, 1-2+5-21

Israël, peuple de Dieu

Père Pierre Grelot

Sens chrétien de l’Ancien Testament, p. 222s

          La figure fondamentale, c’est le peuple d’Israël lui-même. Son expérience de foi comporte trois éléments qui se retrouvent exactement dans l’expérience de l’Eglise : l’expérience de la communion avec Dieu, garantie par le fait de l’Alliance, Vous êtes mon peuple et je suis votre Dieu ; l’expérience de l’union entre tous les membres de la communauté sainte, union de nature religieuse qui a Dieu pour garant et pour source ; enfin, l’expérience de la mise à part, par laquelle Israël est distingué des païens qui ne connaissent pas Dieu et soustrait en principe au sort de l’humanité pécheresse. Cependant cette expérience de foi assume des éléments d’ordre temporel qui lui donnent une coloration particulière. Le peuple de Dieu a des assises terrestres identiques à tous les autres peuples. L’alliance divine y sacralise des liens naturels qui résultent de l’unité d’origine ethnique, de l’assimilation par traités, conquête ou mariages, de la communauté de culture, etc… Bref, ce peuple est une race : la descendance des patriarches ; il forme une nation : celle dont les émigrants sortis d’Egypte ont constitué le noyau et le cœur ; il a sa langue propre, qui est comme son patrimoine spirituel. Tout cela sert de support concret à la communauté de grâce et de foi. C’est pour cela que la mise à part d’Israël, signe tangible d’un dessein de salut dont la visée est universelle, a pour effet paradoxal de renforcer un particularisme national qui permettra au peuple de Dieu de survivre à tous les accidents de l’histoire.

          Tous ces traits montrent qu’Israël n’est pas encore l’Eglise. Mais sous le voile de ses structures temporelles, il vit déjà en quelque mesure le mystère même de l’Eglise ; il l’annonce par avance en tant qu’elle sera Peuple de Dieu. C’est pourquoi le Nouveau Testament peut définir l’Eglise comme le peuple de l’alliance nouvelle. Cependant l’expérience de foi de l’Eglise implique un dépassement des limites que la race, la nation, la langue, imposaient au peuple de Dieu dans l’Ancient Testament : le peuple nouveau est ouvert à toutes les races, les nations et les langues, et sa mise à part est exclusivement spirituelle. Tous les éléments temporels dépassés et caducs n’avaient donc qu’une valeur de figures.