Actes 21, 1-26

La rencontre avec Jacques

Dom Claude Jean-Nesmy

Bible chrétienne, tome III*, Commentaires, p. 145s

          C’est une entrevue, courtoise certes, mais avec une certaine réserve due à la différence des points de vue ; il y manque chaleur et spontanéité, si bien qu’on la dirait plus officielle que fraternelle. Cela tient d’abord au caractère même de la rencontre : Jacques a réuni les presbytres ou anciens, et, quel que soit leur ministère exact, ils représentent l’Eglise de Jérusalem, tandis qu’il est spécifié que Paul entra avec nous. Derrière Paul, se profilent tous les païens convertis par ses missions, ce dont les assistants ne peuvent que rendre gloire à Dieu, puisque c’est lui l’auteur de toute conversion.

          Or, tout en mettant prudemment l’accusation au compte des chrétiens d’origine juive, Jacques ne s’en livre pas moins à un interrogatoire quasi judiciaire : Qu’en est-il ? C’est faire sienne la question qui est grave, puisqu’à son propos est prononcé le mot d’apostasie (ils se sont détournés de Moïse, ils l’ont abandonné !). Certes Jacques ne remet pas en cause les décisions de la réunion de Jérusalem : Quant aux païens, nous leur avons écrit nos décisions. Seulement, Jacques semble restreindre la liberté vis-à-vis de la Loi de Moïse aux seuls chrétiens venus du paganisme, et tenir que les judéo-chrétiens n’en étaient pas pour autant dispensés, à commencer par Paul lui-même, dont il espère bien qu’il marche lui aussi en gardant la Loi. Ce dut être pour Paul un grand sacrifice, que de se soumettre à ce qu’on lui demandait : faire un vœu et se présenter dans le Temple pour payer se redevance et celle des autres frères, alors qu’il refusera violemment toute obligation à l’égard de la Loi, comme une sorte d’apostasie du Christ et de sa rédemption toute gratuite. Sur la base d’une même décision formulée à la réunion de Jérusalem, on a là une différence d’interprétation, que nous trouverons formulée d’une part dans la lettre de saint Jacques, et, de l’autre, dans les lettres de Paul aux Galates et aux Romains. On voit qu’il y a là place pour un certain éventail d’opinions et de conduites, qui n’est pas pour autant pluralisme à tout va, et qui permet de ne pas tout réduire au monolithisme de notre propre façon de voir, en anathématisant tout autre position.