Nombres 20,1-13 + 21,4-9

Le signe figuratif et l’objet figuré

Saint Augustin

Traité 12 sur l’évangile de Jean, n° 11, OC 10, p. 376

Les Israélites succombaient dans le désert sous les cruelles morsures des serpents ; la mort faisait de nombreuses victimes, car c’était la main de Dieu qui s’appesantissait sur eux, les frappant pour les instruire. C’était en même temps un signe des plus marquants du mystère qui devait s’accomplir dans la suite, comme Notre Seigneur l’a attesté dans son dialogue avec Nicodème. Le Seigneur ordonne donc à Moïse de faire un serpent d’airain et de l’élever au haut d’un arbre dans le désert, et de recommander à tous ceux qui auraient été mordus par les serpents de regarder ce serpent élevé sur un arbre. Moïse exécuta cet ordre, tous ceux qui étaient mordus jetaient les yeux sur ce serpent et étaient guéris.

Que sont ces serpents qui déchirent par leurs morsures ? Les péchés qui viennent de la chair mortelle. Quel est ce serpent élevé dans le désert ? La mort du Seigneur sur la croix. C’est du serpent que vient la mort, elle a pour symbole figuratif l’image du serpent. La morsure du serpent a donné la mort, la mort du Seigneur a rendu la vie. Il suffisait de regarder le serpent pour détruire l’effet des morsures du serpent. Qu’est-ce à dire ? Il suffit de considérer la mort pour anéantir toute sa puissance. Mais de quelle mort s’agit-il ? De la mort de la vie, si on peut parler de la sorte ! Hésiterions-nous à dire ce qui a dû se faire ? Est-ce que Jésus-Christ n’était pas la vie ? Et cependant il a été attaché à la croix. Est-ce que Jésus-Christ n’est pas la vie ? Et cependant il est mort. Mais dans la mort de Jésus-Christ, la mort a trouvé sa propre mort, parce que la vie, frappée par la mort, a détruit l’empire de la mort, la plénitude de la vie a comme englouti la mort, la mort a été absorbée dans le corps de Jésus-Christ. Voilà ce que nous dirons nous-mêmes au moment de la résurrection, lorsque nous ferons entendre ce chant de triomphe : Mort, où est-elle ta puissance ? Mort, où est ton aiguillon ? En attendant, jetons les yeux sur Jésus-Christ pour être guéris de nos péchés. Car, comme Moïse a élevé le serpent dans le désert, il faut de même que le Fils de l’homme soit élevé, afin que, tout homme qui croit en lui, ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éternelle. De même que les morsures des serpents cessaient d’être mortelles pour ceux qui regardaient le serpent d’airain, ainsi ceux qui considèrent avec foi la mort de Jésus-Christ sont guéris des morsures de leurs péchés. Les Israélites, en échappant à la mort, ne recouvraient qu’une vie temporelle et passagère, mais ici Notre Seigneur nous promet une vie éternelle. Voilà, en effet, la différence entre le signe figuratif et l’objet figuré ; le signe figuratif ne donnait qu’une vie temporelle, l’objet figuré nous donne la vie éternelle.