Sur la croix

Saint Léon le Grand

Sermon 42, 3-4 sur la Passion du Christ, SC 74bis, p. 69s

        La croix du Christ contient dans le mystère de l’autel véritable et prédit d’avance, sur lequel, par le moyen d’une hostie salutaire, serait célébrée l’offrande de la nature humaine. Là le sang de l’Agneau immaculé annulait le pacte de l’ancienne prévarication ; là était entièrement anéantie l’hostilité de la tyrannie diabolique, et l’humilité victorieuse triomphait par l’écrasement de l’orgueil ; si prompt était d’effet de la foi que, des larrons crucifiés avec le Christ, celui qui crut au Fils de Dieu entra justifié dans le paradis. Qui expliquera le mystère d’un si grand don ? Qui dira la puissance mise en œuvre par un si admirable changement ? En un bref instant est détruite la culpabilité attachée à une longue série de crimes ; au milieu des cruels tourments de l’agonie, celui-là, fixé au gibet, passe le Christ ; à lui dont l’impiété personnelle avait causé le châtiment, la grâce du Christ donne la couronne.

        Ensuite, ayant goûté au vinaigre que lui donnait cette vigne dégénérée du plant de son auteur et changée en amertume d’une vigne étrangère, la Seigneur dit : Tout est consommé. C’est-à-dire : Les Ecritures sont accomplies, je n’ai plus rien à attendre de la folie d’un peuple furieux, je n’ai rien enduré de moins que ce que j’avais perdit devoir souffrir. Les mystères de la faiblesse sont achevés, que paraissent maintenant les marques de la puissance. Aussi, inclinant la tête, il rendit l’Esprit et laissa le sommeil entrer, pour un repos tranquille, dans le corps qu’il devait ressusciter le troisième jour.

        Ainsi l’auteur de la vie se donnait tout entier à ce mystère, et, en présence d’un tel abaissement de la majesté divine, tout l’édifice du monde était secoué ; toute la création, par sa confusion, condamnait le forfait impie, et les éléments eux-mêmes portait un verdict évident contre les coupables. Quelle âme fut donc la vôtre, ô Juifs, et quelle conscience ? Quelle folie s’est abattue sur vous, quel châtiment s’est emparé de votre cœur, alors que le jugement de l’univers vous pressait et que votre impiété ne pouvait se rétracter du crime que vous aviez consommé ?