Les gardes au tombeau

Saint Jean Chrysostome

Homélie 89 sur saint Matthieu, OC 13, p. 203s

        Remarquez, frères, le ridicule des pharisiens et des grands-prêtres : ils viennent dire à Pilate : Nous nous sommes souvenus que cet imposteur a dit pendant sa vie qu’après trois jours il ressusciterait.

        Si c’est un imposteur, si ce n’est là qu’un mensonge, pourquoi donc vos craintes et votre empressement, pourquoi déployer un tel zèle ? Ils craignent que les disciples ne dérobent son corps et ne trompent ainsi le peuple ! Cela manque absolument de raison ! Mais la méchanceté se plaît dans les contentions, ne rougit de rien, ne recule pas devant l’absurde ! Ils ordonnent que le tombeau soit gardé jusqu’au troisième jour.

        Peu leur importait maintenant que ce travail se fit le jour du sabbat ; la seule chose en vue, c’est de satisfaire leur malice, espérant par là en venir à bout. Celui qu’ils avaient saisi vivant, ils le craignent mort. Or, s’il n‘était qu’un homme, un homme dérangé, rien ne devait troubler leur sécurité. Du moment où le sépulcre sera scellé et gardé, ils n’auront plus à craindre une quelconque fraude de la part des disciples !

        Et malgré cela, nulle fraude ne pouvant avoir lieu, si le tombeau se trouve vide, il est évident que le Christ sera ressuscité : impossible d’élever un doute à cet égard ! Voyez-vous comment ils luttent eux-mêmes, sans le vouloir, pour le triomphe de la vérité ? Remarquez encore à quel point les disciples portent l’amour de cette vérité même : ils ne cachent rien de ce que les ennemis ont pu dire, pour humiliant que cela soit. Les Juifs traitent le Maître d’imposteur, ils se taisent pour cette injure. Elle montrait bien la cruauté des premiers, puisque la mort même n’a pu calmer la haine dont ils étaient animés.

        Quelle est réponse de Pilate ? Il ne veut pas que ses soldats soient chargés de ce travail ; instruit de ce qui regarde la victime, il ne participera plus à l’œuvre des persécuteurs ; et pour s’en débarrasser, il leur accorde encore ce qu’ils demandaient en leur disant : Prenez les mesures que vous voudrez, afin que vous ne puissiez rejeter la faute sur les autres. Si les soldats avaient eux-mêmes scellé la tombe, les Juifs auraient pu dire que les soldats avaient livré le corps ; eux ayant apposé les sceaux, ils n’auront rien de pareil à dire ! Voyez, frères, quel zèle les autorités juives déploient pour la vérité en dépit d’eux-mêmes !