Nombres 11, 4-6+10-33

Béni soit Celui qui nous a tant donné

Saint Ephrem de Nisibe

Mimro 8, De Mensa

        Aux Hébreux, le Seigneur donna la manne : ils ne surent pas apprécier sa saveur. Sous son aspect unique, elle offrait des goûts multiples ; ils n’admirèrent pas cette diversité. Elle était pain en même temps que plat cuisiné, ils ne surent pas rendre grâce de ses transformations. Sa couleur manifestait toutes sortes de goûts, ils ne remercièrent pas le Seigneur de cette variété. Au lieu d’admiration, des cris ! Au lieu de louanges, des murmures !

        Alors les mordirent des serpents, qui, mordant la poussière, n’avaient pas murmuré. Puis, la terre les dévora, qui, piétinée par eux, gardait le silence. Ils tombèrent dans ce désert affreux, qui, si désolé qu’il fût, ne murmurait pas. Les cailles qu’ils avaient demandées les rendirent malades ; la nourriture qu’ils prirent, les tourmenta. Hommes charnels, ils réclamèrent de la chair ; tels des bêtes sauvages, ils la dévorèrent. Mais pour l’avoir mangé sans s’être émerveillés, elle leur sortit pas les narines.

        C’est parce que leurs lèvres ne louaient pas que la nourriture fut amère à leur palais. Ce que Dieu, par des prodiges, leur avait donné, les gloutons indignement s’en étaient emparés. Point ne louèrent le Maître des natures, qui avait changé là l’ordre de la nature. Dans les éléments, Dieu nous donna un signe de l’avenir, pour que nous le remerciions de notre nourriture : avant le pain, après le pain,  il nous donnait à rendre gloire.

        Qu’il s’agisse de peu ou de beaucoup, il est juste de rendre grâce ! Le glouton remercie d’avoir mangé à satiété, et le sage de rester sur sa faim. Le riche de l’évangile, à cause de sa gloutonnerie, ne dit pas de bénédiction sur le repas ; Lazare, à sa porte, lui qui désirait les miettes, quoiqu’il n’en reçut pas, rendit pourtant gloire à Dieu au lieu de s’insurger. Alors qu’au désert le peuple repu murmurait, Lazare, lui, affamé, bénissait Dieu sans même avoir reçu les miettes. Comment remercier dignement, nous qui avons tant reçu ? Puissions-nous déborder d’actions de grâce ! Si nous murmurons pour de la nourriture, c’est par Lazare que Dieu nous jugera. Car le miséreux eut faim, douleur, épreuve et pauvreté ; et nous, table, honneur, fortune et bonne santé. Béni soit celui qui nous a tant donné ! Béni celui qui demande ce qui est à sa portée ! La mesure de notre puissance, c’est notre action de grâce. Sachons rendre gloire à Dieu.