Nombres 16, 1-11+16-24+28-35

Qu’a-t-il de plus que nous ?

Daniel Sibony

Lectures bibliques, La révolte de Coré, p. 199s

        Alors qu’ils sont dans le désert, une révolte éclate, menée par Coré et les siens, contre Moïse et Aaron : Pourquoi seraient-ils les chefs ? Nous aussi sommes les élus de Dieu. Dans un premier temps, Moïse ne répond rien ; il est même dit : Moïse entendit et tomba face contre terre. Il n’a rien à répondre à cette question, mais, par son geste, il essaie de rappeler au peuple que c’est à la face de Dieu qu’on est appelé à se tenir. Puis il leur parle, et les invite à présenter ensemble, chacun pour son compte, un sacrifice d’encens à Dieu, lequel fera savoir qui il agrée, et qui il ne peut sentir. Ce que propose ici Moïse, c’est une épreuve de l’offrande qui dépasse le rituel : Peuvent-ils séduire le divin et affronter son désir ? Que peuvent-ils soutenir du désir de Dieu ? N’est-ce pas ce que vise le sacrifice : relancer le désir inconscient grâce à une perte consentie ?

        Puis Moïse leur parle et leur montre les limites de leur acte : au fond, que voulez-vous ? Vous voulez remplacer les prêtres ? Etre ceux qui présentent les sacrifices ? Vous voulez ainsi être le lien sans médiation, la parole pure ? Puis Moïse fait appeler les autres conjurés, Dathân et Abiram, qui répondent : Nous ne monterons pas. Monter dans ce contexte, c’est monter vers la Terre promise. Ils ne veulent pas monter, c’est donc l’Alliance du groupe dont ils rejettent le signifiant : monter. Ils refusent de traverser le désert, ils refusent de soutenir en opposant symbolique et réalité : tu as promis de nous faire monter vers une terre de miel et de lait, et nous sommes dans le désert ! Où est ce que tu nous as promis ? Avant toi, nous étions dans une bonne terre : tu nous en as sortir ; pourquoi ?

        Moïse en appelle, non pas au peuple, mais à Dieu devant le peuple : Ne tourne pas ta face vers eux ! Leur impasse est totale, ils ne peuvent plus calmer la tension de cet acte symbolique qu’est l’offrande. C’est ce qu’exprime la métaphore du texte : le feu, qui en principe consume le sacrifice, fond sur eux, les révoltés, et les consume ; ils ne peuvent que donner leur corps tout entier.