Exode 1, 1-22

Le peuple de l’Exode

Père Claude Jean-Nesmy

Exode, commentaire, p. 202s

        Quand Joseph, en larmes, fut emmené en Egypte comme esclave, ses frères ne soupçonnaient pas que, de leur jalousie, Dieu tirerait le moyen d’assurer leur survie à la prochaine famine ! Et par un terrible retour des choses, quand Joseph, par la suite, fit venir la famille patriarcale de Jacob en Egypte, il ne se doutait pas que leurs descendants seraient réduits en esclavage. Tels sont les aléas de nos projets humains, toujours à courte-vue : d’un mal sort parfois un bien, tandis que parfois aussi ce que nous prévoyons bon s’avère ensuite mauvais.

        Quoi qu’il en soit, de tout Dieu sait tirer parti : Quand vint la famine sur la terre, Dieu avait envoyé devant eux un homme, Joseph fut vendu comme esclave… jusqu’à l’Heure où… De même le sort funeste fait à la descendance d’Abraham ne prend pas Dieu au dépourvu : il va s’en servir et doublement, pour se révéler à Israël comme Sauveur, et pour parer à la tentation si naturelle que son peuple s’établisse en Egypte sans chercher plus loin. La Genèse en avertissait déjà Abraham : Sache bien que tes descendants seront des étrangers dans un pays qui ne sera pas le leur : ils y seront esclaves ! La persécution même empêchera que les descendants d’Abraham tiennent l’Egypte pour leur patrie. Du même coup, le Dieu d’Abraham, qui est aussi le Dieu de tout le monde, pourra donner une leçon à l’orgueil de Pharaon, et laisser aux Cananéens un temps et une dernière chance de se repentir. Si bien que l’établissement d’Israël en Egypte, qui pouvait paraître une embardée par rapport à son destin à venir, s’avère finalement une étape décisive dans sa prise de conscience de ce qui sera désormais la condition juive, image elle-même de la condition humaine et chrétienne de pèlerins sur la terre.

        Mais si le destin du peuple élu préfigure et prépare celui de tous les hommes, l’Egypte aussi prend valeur symbolique de l’existence trop naturelle ou servile dont il faut sortir pour vivre avec Dieu. Abraham lui-même, qui avait dû sortir de Harân, sera lui aussi un revenant d’Egypte après son équipée dans ce pays. Plus tard, le nouveau retour de l’exil assyrien sera annoncé par les prophètes sur le modèle de l’Exode : Comme Dieu a asséché le golfe de la mer d’Egypte, il étendra sa main sur le fleuve et, par la violence de son souffle, le divisera. C’est dans cette même ligne que Jésus, qui aurait à nous tirer de l’esclavage d’Egypte et de notre oubli de la Terre Promise éternelle, dut fuir l’Egypte et en revenir, suivant la prophétie d’Osée que saint Matthieu lui applique : D’Egypte, l’ai rappelé mon fils.