Matthieu 16, 13-19

Le Seigneur sauve quand nous crions vers lui

Saint Augustin

Sermon 192, OC 20, p. 315s

        Vous n’ignorez pas, frères, que le bienheureux saint Pierre mit à profit ses propres erreurs dans la Passion divine, et qu’après avoir renié le Seigneur, il fut jugé le plus excellent auprès de lui. Il devint plus fidèle quand il eut pleuré sur la foi qu’il avait trahie ; ainsi recueillit-il des grâces plus abondantes que celles qu’il avait perdues. Dieu lui confia son troupeau pour le conduire en bon pasteur ; lui, qui avait été la faiblesse même, devait être désormais soutien de tous ; après avoir succombé devant une seule question, il fallait qu’il établît les autres sur le fondement inébranlable de la foi. Aussi est-il appelé la pierre fondamentale de la piété des fidèles, selon cette parole du divin Maître : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise. Ce nom lui fut donné parce que, le premier, il posa les fondements de la foi parmi les nations, parce qu’il est le rocher indestructible sur lequel reposent les assises et l’ensemble de l’édifice de Jésus-Christ. C’est pour sa piété que le prince des apôtres est comparé à la pierre, tandis que notre Seigneur doit ce nom à sa puissance, selon ce que dit saint Paul : Ils buvaient de l’eau de la pierre mystérieuse qui les suivait, et cette pierre était Jésus le Christ. Il méritait de partager le même nom avec le Seigneur, l’apôtre Pierre qui avait été jugé digne d’être le principal coopérateur à son œuvre. Ils ont construit ensemble le même édifice, et c’est Pierre qui bâtit le fondement. C’est Pierre qui plante, c’est le Seigneur qui donne l’accroissement, et qui procure ceux qui doivent arroser. Pierre mit donc à profit les tentations qui l’éprouvèrent ; ses larmes furent la source de sa joie ; il grandit dans les périls.

        Pourquoi donc, frères, avez-vous si peu de foi pour arriver au but en vous appuyant sur elle ? Sachez-le, seule cette foi peut vous soutenir sur les flots où le doute peut vous perdre. Regardez saint Pierre : un instant il doute, il s’enfonce, il va périr, mais il se sauve en invoquant le Seigneur, et nous montre qu’il peut arriver à Jésus-Christ même à travers les périls. Or, ce monde est une mer dont le démon soulève les flots, où les tentations multiplient les naufrages ; nous ne pouvons nous sauver qu’en criant vers le Sauveur, qui étendra la main pour nous prendre. Invoquons-le sans cesse, il ne nous refusera pas le secours accoutumé, ce Dieu bon, Jésus-Christ, qui vit et règne avec le Père et l’Esprit-Saint dans les siècles des siècles. Amen.