Genèse 3, 1-24

La mise à l’écart des coupables

Père Adalbert de Vogüé

La Règle de saint Benoît, Commentaire doctrinal et spirituel, p. 270s

        Après leur faute, Adam et Eve sont chassés du Paradis. Qu’en est-il du moine fautif dans la pénitence monastique ? Avant elle et au-dessus d’elle, c’est la norme de l’Ecriture qui dirige les auteurs des règles régissant les monastères. De toutes les péricopes pénales du Nouveau Testament, la plus importante est celle, en saint Matthieu (18,15-17), où le Seigneur prescrit de reprendre le coupable d’abord seul à seul, puis devant témoins, enfin en présence de l’Eglise, avant de le rejeter comme un publicain. L’évangile de Matthieu fournit à la discipline monastique une autre directive : celle de retrancher comme un membre inguérissable le frère qui cause du scandale (5,29-30). Ce texte est l’un de ceux qui établissent le plus nettement chez Basile le devoir d’expulser de la fraternité les impénitents. Directement ou indirectement, c’est sur ce texte que se fonde aussi saint Benoît quand il invite l’Abbé à manier le fer qui retranche.

        Plus compacte que la société ecclésiale, la communauté monastique ne dispose pas seulement d’une arme, mais de deux : l’excommunication et l’expulsion. L’excommunication met le coupable au ban de la communauté, mais elle ne le chasse pas du monastère. Quand elle n’a pas produit d’effet, il reste une sanction plus grave : mettre l’impénitent à la porte.

Les textes du Nouveau Testament, prescrivant de rejeter les grands pécheurs obstinés, sont susceptibles en milieux monastiques de deux interprétations distinctes et de deux applications graduées. Ainsi saint Benoît fait une distinction claire : dans le même passage de la première lettre aux Corinthiens (5,5), il découpe une phrase qu’il applique à l’excommunication, et une autre qu’il entend de l’expulsion.

L’exclusion peut être révocable soit jusqu’à trois fois, soit définitive. Cette triple possibilité de retour est possible, en raison de trois avertissements préalables que Jésus a prescrits selon l’évangile de Matthieu. Nos auteurs monastiques font jouer, à l’échelon des sanctions ultimes, les dispositions miséricordieuses de l’Evangile qu’ils avaient appliquées une première fois au début de la procédure pénale. En mettant à profit sa vie commune intense, le monachisme a multiplié les occasions de salut pour le pécheur.