Genèse 11, 1-26

L’orgueil de Babylone et la confusion des langues

Saint Augustin

La Cité de Dieu XVI, 4-5, p. 177s

        Cette cité fut appelée confusion : c’est Babylone elle-même dont l’histoire des nations célèbre aussi la merveilleuse construction. Pour le fondateur de Babylone, le géant Nemrod, cette ville n’était que le début de son royaume ; elle devait commander à toutes les autres villes, comme une métropole, siège de son empire. Elle n’atteignit jamais la grandeur rêvée par son orgueilleux fondateur ! Il projetait pour elle une hauteur prodigieuse, jusqu’au ciel, disait-on, en parlant d’une seule de ses tours.

        Qu’aurait pu faire la vaine présomption des hommes en élevant vers le ciel contre Dieu une pareille masse à pareille hauteur ? Quel tort pourrait bien faire à Dieu une élévation si grande soit-elle ? La voie sûre et véritable vers le ciel, c’est l’humilité qui la construit en élevant le cœur en haut vers le Seigneur. Nemrod, avec ses peuples, élevait donc contre Dieu une tour qui figurait l’orgueil impie, et c’est un juste châtiment que subit son intention mauvaise, même si elle n’aboutit pas.

        Quel fut le châtiment divin ? Puisque la puissance du commandement est dans la langue, c’est par là que l’orgueil fut châtié, de sorte que, l’homme commandant à l’homme, n’était plus compris, lui qui n’avait pas voulu comprendre quand Dieu lui commandait d’obéir. Ainsi fut dissoute cette conspiration, chacun se séparant de celui qu’il ne comprenait pas pour se joindre à celui-là seul avec lequel il pouvait parler. Et leurs langues divisèrent les peuples : ils se répandirent sur la terre, comme il plut à Dieu.

        Le Seigneur, est-il écrit, descendit pour voir la cité et la tour qu’avaient construite les fils des hommes. Non les fils de Dieu, mais la société vivant selon l’homme qui vit dans la cité terrestre. Dieu pourtant ne se meut pas localement : il est toujours, partout et tout entier ! On dit que Dieu descend quand il accomplit sur terre un acte, et que cet acte, accompli miraculeusement en dehors du cours ordinaire de la vie, révèle en quelque sorte sa présence. Ce n’est pas non plus en voyant qu’il acquiert à tel moment une connaissance, lui qui ne peut jamais rien ignorer ; mais on dit qu’il voit et qu’il connaît à tel moment ce qu’il fait voir et connaître. On ne voyait donc pas cette ville de la manière dont Dieu la voit quand il montra combien elle lui déplaisait.