Ezéchiel 10,18-22 + 11,14-25

La vision de Dieu

Saint Bernard

Sermons sur le Cantique des cantiques, sermon 31ème, SC 431, p. 429s

        La vision bienheureuse n’est pas pour la vie présente, elle est réservée aux derniers temps, du moins pour ceux qui peuvent dire : Nous savons que, lorsqu’il apparaîtra, nous lui serons semblables, parce que nous le verrons tel qu’il est. Maintenant aussi il apparaît à qui il veut, mais comme il veut, non pas comme il est. Il n’est pas de sage, de saint, de prophète qui puisse, ou qui ait pu, en ce corps mortel, le voir tel qu’il est ; mais celui-là le pourra, en son corps immortel, qui en sera jugé digne. On le voit donc aussi ici-bas, mais tel qu’il lui plaît de se faire voir, non tel qu’il est. Car même ce grand astre que tu vois tous les jours, je veux parler de notre soleil, tu ne l’as jamais vu tel qu’il est, mais seulement tel qu’il illumine, par exemple l’air, une montagne, un mur. Même cela, tu ne le pourrais pas si la lumière de ton corps, par sa pureté et sa transparence innées, n’était pas en quelque mesure semblable à la lumière céleste. Aucun autre membre du corps n’est capable de percevoir la lumière à cause de sa dissemblance trop grande. L’œil lui-même, lorsqu’il est trouble, n’est plus sensible à la lumière parce qu’il a perdu sa ressemblance avec elle. Donc, l’œil trouble ne voit point la clarté du soleil à cause de sa dissemblance, tandis que l’œil clair la voit, dans une certaine mesure grâce à sa ressemblance partielle. Certes, si l’œil était doué d’une égale limpidité, il verrait le soleil tel qu’il est, sans que son regard ne rencontre aucun obstacle, parce que leur ressemblance serait parfaite. Il est en de même du Soleil de Justice qui illumine tout homme venant en ce monde ; si tu es illuminé, tu peux le voir en ce monde, tel qu’il éclaire, car tu lui es déjà en partie semblable. Mais tel qu’il est, tu ne peux nullement le voir, car la ressemblance n’est pas encore parfaite. C’est pourquoi le psalmiste dit : Approchez-vous de lui, et vous serez illuminés ; vos visages ne seront pas couverts de confusion. C’est bien vrai, mais à condition d’être assez illuminés pour que, contemplant à visage découvert la gloire de Dieu, nous soyons transformés en cette même image, de clarté en clarté, comme par l’Esprit du Seigneur.