Ezéchiel 2,8 – 3,11+16-21

Vision du livre Paul VI

Père Paul Auvray

La vocation d’Ezéchiel, BVC 43, p. 23s

Lors de la vocation d’Isaïe, un séraphin va chercher sur l’autel une braise, et, s’approchant du prophète, lui touche les lèvres : le contact du feu les purifie. Pour Jérémie, une main apparaît, touche la bouche du prophète : le message divin est mis dans sa bouche ; désormais, la parole du prophète sera la parole même de Dieu, mais reçue encore de façon extérieure.

        Avec Ezéchiel, il y a progrès : depuis l’époque d’Isaïe, Israël est entré plus avant dans une époque de civilisation écrite : la doctrine se présente maintenant tout naturellement sous la forme d’un livre.

        Isaïe sait bien que le prophète est le messager du Seigneur, que ses paroles sont des oracles de Dieu, mais cela ne découle pas de sa vision de vocation. : le Seigneur se contente de lui purifier les lèvres. Jérémie, lui, reçoit vraiment les paroles que Dieu met sur sa bouche. Ezéchiel se nourrit des paroles divines, il les assimile, donc il les transforme en sa propre substance : ce qu’il dira sera vraiment parole de Dieu, tout en demeurant parole du prophète. Par ce symbolisme étrange se trouve déjà exprimé, de façon frappante, le mystère de la collaboration, dans l’expression prophétique, de Dieu et de l’homme.

        Les détails de la vision nous donnent plusieurs précisions sur la parole de Dieu donnée à Ezéchiel. Le rouleau du livre qui est présenté au prophète est écrit au recto et au verso, ce qui, d’après le contexte et les données archéologiques, apparaît comme une anomalie : c’est l’expression de la densité, de la richesse de la parole de Dieu. Et le prophète peut en lire le contenu, ou du moins le titre qui lui indique : lamentations, gémissements, plainte. Uniquement des prophéties de malheur, ce qui correspond à la première partie du livre d’Ezéchiel. Comme pour Jérémie, avant de bâtir et de planter, il faut d’abord arracher et renverser, exterminer et démolir. La tâche première des anciens prophètes est toujours une tâche austère.

        Enfin, sur l’ordre de Dieu, réitéré avec insistance (littéralement : que ton ventre mange et que tu emplisses tes entrailles), Ezéchiel dévore le volume, et constate un résultat inattendu : ce rouleau, plein de révélations amères, est cependant, pour le prophète, doux comme du miel. Mystère de l’obéissance, bonté du Seigneur qui, tout en chargeant le prophète de messages pénibles, lui réserve cependant des consolations immédiates ! Le goût du miel, c’est la saveur véritable de la parole de Dieu, même lorsqu’elle paraît sévère. Dans l’Apocalypse, saint Jean emprunte à Ezéchiel cette image, mais en la transformant puisqu’il semble opposer au goût immédiat, agréable, du livre sa saveur profonde et durable toute d’amertume.