Luc 17, 5-10

« Nous n’avons fait que ce que nous devions faire »Paul VI

Cardinal John-Henry Newman

Sermons paroissiaux, tome 4 : Le paradoxe chrétien, p. 70s

Si, lorsque nous avons fait tout notre devoir, nous sommes inutiles, qu’en est-il de nous quand nous n’en avons fait qu’une partie ? Qu’en est-il de nous, à plus forte raison, si cette partie elle-même est déficiente, voire entachée de mal ? Il n’est alors nullement question, à en juger avec la raison, de se vanter aux yeux de Dieu, quand bien même ferait-on partie de ces saints les plus confirmés et de ses serviteurs les plus pointilleux. Il ne saurait être question de hâblerie, parce que, quoique nous fassions, cela n’est que fruit de sa grâce, et parce qu’en outre nous faisons bien peu. Plus encore, ce que nous faisons est du reste, malgré sa grâce, infecté par le péché, et enfin, même si nous accomplissons tout, nous ne ferions que ce qu’il est de notre devoir de faire. Il m’est impossible de concevoir qui quiconque, ayant honnêtement appliqué son esprit à la considération de ce sujet, et quel que soit le poids qu’il aurait donné à cette considération, ou à toute autre en particulier, n’en viendrait à cette conclusion, à en juger par la seule raison, et quelque disposé qu’il fût à valoriser ses facultés naturelles, ou ses œuvres concrètes.

Nul ne peut en même temps prendre au sérieux sa relation personnelle avec Dieu et se vanter de ses propres œuvres ; c’est bien là une attitude que les hommes, dans leur généralité, ne parviennent pas à adopter en permanence. Pharisiens sont ceux qui vivent pour le monde et ne pensent pas à Dieu. Ils ne pensent pas au jugement inévitable qui surviendra un jour ou l’autre. Ils n’ont nulle peur de l’avenir, parce qu’ils ne l’envisagent aucunement. Ils se contentent du moment présent, tout comme ils se contentent d’eux-mêmes, parce qu’ils vivent emmurés dans le visible et le tangible, et se mesurent pas à ce qui est invisible et spirituel. En se mesurant eux-mêmes à leur mesure et en se comparant à eux-mêmes, ils manquent d’intelligence. Ce n’est pas celui qui se recommande lui-même qui est un homme éprouvé, c’est celui que le Seigneur recommande.