Le vrai bonheurPaul VI

Père Maurice Zundel

A l’écoute du silence, p. 66s

         Le vrai bonheur, le bonheur de la personne, le bonheur de l’esprit, enfin tous ces bonheurs qui ont leur origine dans l’intelligence et dans le cœur, sont des biens qui ne peuvent être possédés. Lorsqu’on veut posséder la vérité, on la perd. Lorsqu’on veut s’en faire un monopole, on la limite dans une caricature ; lorsqu’on veut posséder l’amour, on lui devient étranger. Le bonheur n’existe qu’en circulant, qu’en se communiquant dans une désappropriation continue.

        La vie divine qui est Trinité est impossédable, Dieu est par excellence l’impossédant et l’impossédable, l’antipossession ; il est Dieu justement en raison de cette dépossession.

        Le plus haute expression du Christianisme est celle de la découverte de la Pauvreté. C’est l’intuition profonde, vivante, rayonnante de la Pauvreté de Dieu. Le Père n’a rien, il n’est qu’un regard vers le Fils. Le Fils n’a rien, il n’est qu’un regard vers le Père. Le Saint-Esprit n’a rien, il n’est qu’une aspiration vers le Père et le Fils. Dieu est pauvre. Dieu n’a rien. Dieu est Dieu parce qu’il n’a rien.

        Etre toute pauvreté, il n’y a alors de grandeur que dans le don de soi. Dieu, qui nous ouvre les espaces infinis de son amour, nous appelle uniquement à cette liberté totale de l’Amour qui est pur don. Et l’existence infinie, c’est la pauvreté.

        La largeur de la pauvreté, c’est la liberté d’une âme où tout est donné. Au cœur de la pauvreté est la joie parce qu’on est libre de tout, parce qu’on est libre de soi. Ce qui sépare toujours, c’est le moi, c’est la possession. Quand on est dépouillé de tout, on devient un espace libre et le monde entier peut s’y abriter. Tout est là, ce sont les deux axes : Pauvreté totale qui n’est autre que l’Amour s’oubliant ; et Joie qui est le sourire de la beauté.

        Ne jamais faire de bruit avec soi pour ne pas empêcher la musique divine, pour entendre la mélodie divine au fond de soi. Ne jamais faire de bruit en soi-même pour que le monde entier s’y retrouve en ce Dieu qui n’est qu’Amour, en ce Dieu qui nous est confié, en ce Dieu qui est remis entre nos mains, en ce Dieu qui veut naître en nos cœurs. Il pourra alors naître de nous.