Luc 5, 1-11

La pêche miraculeusePaul VI

Saint Ambroise

Traité sur l’évangile de Luc, SC 45bis, p. 179s

        Il monta dans la barque de Pierre. C’est la barque qu’en Matthieu nous voyons secouée par les vagues, et chez Luc remplie de poissons, pour que tu reconnaisses, et les débuts fragiles de l’Eglise, et son développement ultérieur. Les poissons représentent les hommes qui font la traversée de cette vie. Dans le premier épisode, le Christ, pour ses disciples, dort ; dans le second, il commande. Il dort pour ceux qui ont peur ; pour les parfaits, il veille.

        La barque qui a Pierre n’est pas agitée ; elle est agitée quand elle porte Judas ! Même si beaucoup de mérites des disciples étaient embarqués dans celle de Judas, la perfidie du traître l’agitait pourtant. Dans les deux cas, il y avait Pierre ; mais celui qui est ferme dans son service, est agité dans les actes d’autrui. Gardons-nous donc du perfide, gardons-nous du traître ; car nous pourrions, par un seul, être troublés en grand nombre. Donc, n’est pas troublée la barque où la prudence prend passage, d’où la perfidie est absente, où c’est la foi qui fait avancer. Comment cette barque pourrait-elle être agitée, ayant pour nautonier celui sur qui s’appuie l’Eglise ? Il y a donc agitation quand la foi est faible, et sécurité quand l’amour est parfait. D’ailleurs, si l’on commande aux autres de lancer leurs filets, c’est au seul Pierre qu’il est dit : Conduis au large, c’est-à-dire dans la haute mer de la réflexion théologique. Qu’y a-t-il donc de plus haut, en effet, que de considérer la profondeur des richesses, de connaître le Fils de Dieu, et de confesser la génération divine ? Cette génération, bien que l’esprit humain ne puisse la saisir, même en appliquant à cette recherche toute sa raison, cette génération, dis-je, se laisse embrasser par la plénitude de la foi. Car s’il ne m’est pas permis de savoir comment le Fils est né, il ne m’est pas permis non plus d’ignorer qu’il est né ! J’ignore le mode de sa génération, mais je reconnais l’authenticité de sa génération. Nous n’étions pas là quand le Fils de Dieu naissait du Père, mais nous étions là quand le Père le proclamait Fils de Dieu. Si nous ne croyons pas Dieu, qui croirons-nous ? Car tout ce que nous croyons, nous le croyons pour l’avoir vu ou entendu. La vision se trompe souvent, l’audition de témoins fait foi.

Récuse-t-on la personne du témoin ? Si d’honnêtes gens prenaient la parole, nous jugerions inique de ne pas les croire. Or Dieu témoigne, son Fils prouve, le soleil reconnaît et s’enfuit, la terre avoue et tremble. Telle est cette haute mer de la théologie où l’Eglise est conduite par Pierre, pour voir, d’une part le Fils de Dieu qui ressuscite, et d’autre part l’Esprit-Saint qui se répand.