Luc 14, 25-33

Suivre JésusPaul VI

Père Anselm Grün

Jésus, l’image de l’homme, Evangile de Luc, p. 99s

        Suivre Jésus, c’est suivre son chemin de croix. Par deux fois dans l’évangile de saint Luc, Jésus y invite ses disciples : Si quelqu’un veut marcher dans mes pas, qu’il se renie lui-même, qu’il porte sa croix chaque jour et qu’il me suive (9,23) ; Celui qui ne porte pas sa croix et ne marche pas derrière moi ne peut être mon disciple (14,27). La seconde ces paroles, extraite de l’évangile de ce dimanche, c’est une affaire grave : il faut s’attendre à ce que le chemin mène à la croix, à l’hostilité, à la persécution, et finalement à la mort. Quant à la première de ces paroles, elle interprète le chemin de croix sur le plan spirituel. Luc ajoute ici Chaque jour ; la croix est alors l’image des épreuves et des conflits de la vie de chaque jour où, sans cesse, nous subissons des contrariétés, où les autres nous déçoivent et nous blessent. Si nous considérons ces attaques quotidiennes comme notre croix, alors elles ne nous briseront pas, mais nous conduiront vers une communion plus profonde avec le Christ. Ce que détruit la croix, c’est l’image idéalisée, illusoire, que nous avons de nous-mêmes. En effet, trop souvent nous traversons la vie quotidienne en pensant accomplir notre devoir et la volonté de Dieu ; si quelqu’un alors nous critique et nous traite injustement, nous offense et nous blesse, nous nous irritons contre cette situation. Jésus nous invite à nous ne détourner pour aller vers Dieu. Selon moi, tel est le sens de l’expression se renier soi-même, qui a bien souvent été mal interprétée comme une invitation à nous incliner, à nous dévaloriser, à renoncer entièrement à ce que nous sommes. L’expérience de la croix dans ma vie doit faire que, pour découvrir en moi le Soi, mon véritable noyau, je prenne du recul par rapport à cet ego qui se gonfle d’importance, s’imagine que tout est à son service, et voudrait tout accaparer. Cette parole de Jésus m’invite, non pas à me rendre la vie particulièrement difficile, à me charger de fardeaux superflus, mais à me détourner des épreuves quotidiennes pour aller vers la vérité de la vie, vers Dieu. La croix devient alors la clé de la vie, qui m’ouvre l’accès aux profondeurs de mon âme. Là, je découvre qui je suis en réalité, par-delà le succès et le bien-être, l’estime et l’affection, les critiques et les offenses.