Ephésiens 3, 14-21

«  Je fléchis les genoux « Paul VI

Jean Tauler

Sermon 63 pour le 16ème dimanche après la Trinité, p. 512s

 

        Saint Paul écrit aux Ephésiens qu’il fléchit les genoux devant le Père de Notre Seigneur Jésus le Christ. C’est des genoux intérieurs qu’il parle, et non pas des extérieurs ; car l’intérieur a cent fois plus d’étendue, de largeur, de profondeur et de longueur que l’extérieur. Les jambes sont nos soutiens extérieurs. L’homme doit donc incliner devant Dieu tout son pouvoir. Il dit incliner pleinement tout ce qu’il est, tout ce qu’il peut, sous la main puissante et sous la force de Dieu, et reconnaître à fond son néant de nature et son néant d’inclination au péché, car cette inclination nous mène au néant. Cette génuflexion nous enseigne à pratiquer une vraie soumission et un parfait abandon, une attitude passive et le détachement sous l’action de Dieu, et à ne nous en rien attribuer. Ces trois dispositions sont vraiment comme trois sœurs vêtues d’une même robe, qui est la véritable humilité. L’homme doit se tenir en parfaite égalité d’humeur dans la joie comme dans la souffrance, dans la gloire comme dans la privation, dans la contrariété comme dans l’agrément, en recevant chaque chose de Dieu et non pas des créatures.

        L’homme est pour ainsi dire composé de trois hommes : le premier homme est l’homme extérieur ; celui-là, on doit le contraindre tant qu’on peut à s’abandonner et à le tirer plus avant dans le second homme qui est intérieur. Ce second homme est l’homme de raison ; cela veut dire que l’homme extérieur ne doit pas agir et opérer au-dehors, si ce n’est d’après les indications de l’homme de raison et non pas d’après les instincts de la vie animale. Une fois que le second homme, l’homme de raison, est arrivé au parfait et passif abandon et ne s’attribue plus ses œuvres, qu’il se tient en son pur néant, qu’il laisse Dieu être maître et seigneur, alors le troisième homme, se trouvant ainsi en parfaite disposition, se dresse de toute sa hauteur, et, n’étant plus empêché par aucun obstacle, il peut revenir à son origine et à l’état d’incréé, dans lequel il a été de toute éternité ; et il se tient là sans le secours d’images et de formes particulières, dans une parfaite passivité. Là, Dieu lui donne selon la richesse de sa gloire. Et c’est de cette façon que l’homme est fortifié avec les vertus, quant à l’homme intérieur, et qu’il vous donne de voir le Christ habiter en vos cœurs.