Jean 1, 45-51

Prière de Nathanaël sous le figuierPaul VI

 

Roland Cailleux

La Religion du cœur, p. 39s

 

        Seigneur, pour Te prier différemment, pour Te prier mieux, Te prier vraiment, l’ai voulu changer de lieu, Te parler ici seul à seul, en plein air, sous ce figuier.

        Je n’ai jamais vraiment su m’adresser à Toi comme il faudrait. Je n’arrive pas à traduire ce que je veux Te dire dans ma prière. Je n’ai jamais vraiment appris à le faire. Souvent à la synagogue, quand on n’en finit pas de commenter la Loi, mes oreilles se ferment d’elles-mêmes. J’emporte avec moi le passage tel quel, et Ta parole toute vive, j’essaie, seul, de T’écouter mieux.

        Comment être naturels ? A qui se référer ? Tous nos accents paraissent insolites. C’est pourquoi, Seigneur, je Te parle seul, à voix basse, sans crainte du ridicule, certain que Tu rétabliras l’authentique intonation.

        Tout le monde répète qu’il attend ton Messie. Et personne ne vit sous Ta Loi. On réclame un capitaine, mais on le réclame mollement, sans l’attendre. Si tu l’envoyais enfin, combien te reprocheraient de ne pas les avoir prévenus à temps ! Sous prétexte de le recevoir dignement ; plus que de vêtements, c’est de mœurs qu’il faudrait changer.

        Pourtant, Seigneur, de ce chef, de ton héros, nous avons tous besoin. C’est comme si la Loi s’éloignait dans le temps à toute vitesse. Comme si les Tables de la Loi étaient tombées de haut et s‘étaient émiettées en une poussière de menus fragments.

        Seigneur, je ne sais pas Te flatter pour obtenir ce que je désire. Ni chanter, ni danser devant l’Arche. Excuse-moi de n’y pas savoir mettre des formes. Je Te le dis sans ambages : il faut que Tu viennes, et vite, nous avons trop besoin de Toi.

Il y a si longtemps que nous ne cherchons pas à vraiment entendre Ta parole. Nous ne doutons pas que Tu sois là, mais il nous arrive de T’oublier ! Toi absent, nous sommes comme en exil dans la Terre promise. Envoie ton Messie, notre roi, et que toute nation s’abaisse devant Lui.

Seigneur, on ne peut pas vivre toujours d’espérance. A force d’avoir soif au désert, on crève de sécheresse. Si j’osais, je Te demanderais, non un miracle, mais une grâce particulière, la grâce d’un signe, sans valeur pour les autres, mais nullement insignifiant pour moi. Si je suis incapable plus tard de me découvrir encore devant Toi, comme un livre ouvert, rappelle-Toi, Seigneur, ce que je t’ai confié sous ce figuier.